Centrales d’achat: carton rouge aux distributeurs
Les distributeurs ont trouvé la solution pour échapper aux lois Egalim. Ce n’est pas gagné !
Michel-Edouard Leclerc, président du Comité stratégique des centres Leclerc est amer.. « Aujourd’hui , nous sommes jeté en pâture », se plaint-il au micro de France inter. Le leader de la grande distribution accuse la majorité qui aurait fait de la grande distribution et particulièrement de son groupe le bouc émissaire de la crise agricole. Trop injuste pour ce bienfaiteur de l’humanité qui parcourt les plateaux de télévision, pour expliquer son combat, bec et ongles, contre l’inflation.
Le talent de communicant d’Edouard Leclerc n’est plus a démontré. Mais, ses derniers temps, sa notoriété se retourne contre lui.
D’ailleurs ce ne sont pas les distributeurs eux-mêmes qui sont en cause. Mais les centrales d’achat européennes qui réunissent des distributeurs de toute l’Union. Leur puissance financière leur permet d’acheter d’énormes volumes à bas prix et de faire ainsi baisser les prix. Ils pressurent les industriels de l’agroalimentaire qui, eux-mêmes contraignent leurs fournisseurs agriculteurs et pêcheurs. Ces structures ne sont pas soumises aux lois Egalim françaises qui, par contrôle des marges des industriels et des distributeurs, par exigence de négociations a échéance répétée, veulent garantir aux agriculteurs des prix d’achat décents.
Qui connait Eurelec trading à Bruxelles, la centrale d’achat de Leclerc et de l’allemand Rewe ou encore Eureca, celle de Carrefour basée à Madrid ? Qui sait qu’Everest aux Pays-Bas regroupe Système U, l’allemand Edeka et le néerlandais Picnic ; que ce même Système U s’est aussi associé dans Epic avec le portugais Jeronimo Martins, le suédois Ica, le suisse Mogros ou encore l’italien Esselunga. Epic est établi à Genève, hors de l’Union européenne et pèse 140 milliards de chiffre d’affaires. Le 25 janvier dernier, lors d’un débat stimulé par la crise agricole, les sénateurs français ont dénoncé une situation scandaleuse.
Anne-Catherine Loisier, sénatrice Union centriste de la Côte d’Or résume ainsi la situation : ces centrales d’achat « seraient devenues le support de pratiques commerciales, dont l’intérêt pour les distributeurs va bien au-delà du groupement d’achats et leur permettraient de s’affranchir du cadre des négociations définies par les lois Egalim et d’imposer des contraintes parfois abusives pour les fournisseurs au regard du droit français. » Tous les bancs du Sénat applaudissent.
Les parlementaires français dénoncent depuis longtemps l’opacité du système. Les distributeurs se défendent en justifiant de la taille des grands groupes industriels avec lesquels il négocient: Coca-Cola, Nestlé, Danone, Unilever , Procter & Gamble. Ils assurent devoir présenter en face d’eux une puissance financière suffisante qui leur permette d’acheter en commun. Mais quid des agriculteurs et des PME ?
La défense de Leclerc est bien moins convaincante. Elle hésite entre le déni et le bobard. Il réfute toute idée de contournement par sa centrale belge des lois Egalim. Il explique que les produits faussement labellisés « made in France » ne sont que les conséquences d’erreurs d’étiquetage…
Cependant, il reconnait qu’il va être contrôlé et sanctionné. Bruno Lemaire , ministre de l’Économie et des Finances a d’ailleurs annoncé que 12 % des accords issus des récentes négociations commerciales ne respectaient pas les lois Egalim. Donc, il sévira . On est rassuré…
Quant à Emmanuel Macron, il a demandé à Ursula Von der Leyen, l’étude d’une loi Egalim européenne. Effective, oui mais quand ? Le gouvernement gagne du temps. Les agriculteurs et les PME n’en ont plus.