Ces chômeurs qui se tournent les pouces…

par Laurent Joffrin |  publié le 26/05/2024

Le gouvernement a décidé de mener la vie plus dure aux chômeurs. Il pourra ainsi se targuer d’avoir amélioré les statistiques du chômage. Froid calcul qui lui procure avant tout un avantage politique.

 

Laurent Joffrin

Il est un excellent moyen de diminuer le nombre des chômeurs : leur couper les vivres. Si l’on supprimait les indemnités versées aux sans-emploi, il est à peu près certain que le chômage diminuerait. Soudain sans ressources, les personnes privées d’emploi seraient condamnées à accepter n’importe quel poste, ou bien à solliciter le RSA.

Il n’est évidemment pas question d’aller jusque-là dans les projets gouvernementaux, mais cette imparable logique est néanmoins à l’œuvre. Gabriel Attal, qui n’a aucune chance de se retrouver un jour au chômage, a décidé de réduire les avantages de ces personnages à ses yeux exotiques, les chômeurs, considérant que « seul le travail doit payer ». Ce qui revient à suggérer par la bande que ces chômeurs sont payés à se tourner les pouces et qu’ils pourraient fort bien trouver du travail, par exemple s’ils consentaient « à traverser la rue ».

Les « faux chômeurs » ? Contrairement à ce qu’on entend souvent à gauche, ils existent. Certains jouent même systématiquement des règles existantes en alternant volontairement périodes de travail et périodes ouvrées. Mais toutes les études le montrent : ils forment une minorité, difficile à évaluer, mais faible, qu’un meilleur contrôle permettrait de réduire. La plupart des personnes qui perdent leur emploi n’ont de cesse d’en retrouver un autre, ne serait-ce que pour rétablir leur niveau de vie et regagner dans la société une place conforme à leur idée de la dignité sociale.

Punition

Autrement dit, en réduisant la durée d’indemnisation, et en restreignant les conditions d’obtention, Gabriel Attal punit tous les chômeurs pour atteindre le petit nombre de ceux qui tirent sur la corde. Les syndicats ne se font pas faute de le rappeler, en fustigeant une réforme régressive qui aggravera la situation des plus fragiles (40 % des chômeurs touchent moins de 500 euros par mois et un tiers ne perçoivent rien du tout). Ainsi François Hommeril, de la CFE-CGC (le syndicat de l’encadrement), qui n’est pas précisément un bolchevik : « On est sur le régime de la punition collective (…), a-t-il estimé sur RMC. Gabriel Attal prétend qu’en durcissant les conditions d’indemnisation, on va créer des emplois, c’est ahurissant » et la réforme va plutôt forcer les chômeurs « à accepter n’importe quel emploi ».

Manifestement, le gouvernement n’en a cure. La réforme présente un gros avantage politique : ceux qui accepteront un travail qui ne leur convient pas et ceux qui passeront au RSA diminueront d’autant les statistiques du chômage. La macronie pourra ainsi bomber le torse en proclamant qu’elle a réussi là où tant de gouvernements ont échoué (alors qu’en fait, la baisse du chômage a commencé à la fin du mandat Hollande : Macron a bénéficié d’une tendance déjà à l’oeuvre). Tandis que le président exclut formellement tout effort supplémentaire demandé aux classes dirigeantes. Rendre la vie plus facile à ceux d’en haut et plus difficile à ceux d’en bas : c’est une philosophie.

Laurent Joffrin