Ces sociaux-démocrates qui peuvent gagner

par Laurent Joffrin |  publié le 22/05/2024

Keir Starmer, travailliste réaliste, est donné gagnant des élections générales britanniques annoncées par Rishi Sunak. Au même moment, Raphaël Glucksmann est en passe de dépasser la liste macroniste. Il serait temps d’y réfléchir…

Laurent Joffrin

Les Britanniques voteront donc le 4 juillet, bien plus tôt qu’il n’était prévu. À lire les commentaires d’outre-Manche, le Premier Ministre Rishi Sunak, en fort mauvaise posture, a jugé que sa situation ne pouvait guère s’améliorer dans les mois qui viennent. Il a donc préféré jouer son va-tout au moment où l’économie va un peu moins mal et où ses martiales annonces sur l’immigration ont frappé l’opinion.

À vrai dire, même si la campagne peut changer les choses et que tout pronostic reste hasardeux, les mêmes analystes ne donnent pas cher de sa peau. Le Parti conservateur accuse plus de vingt points de retard dans tous les sondages, les députés tories broient du noir, Sunak bat des records d’impopularité et le leader travailliste, Keir Starmer, fait figure de Premier ministre crédible. Les élections locales, sondages grandeur nature, ont à chaque fois donné les mêmes résultats : elles annoncent une défaite cinglante pour les conservateurs.

Cette descente aux enfers tient aux frasques insensées de Boris Johnson, au désastre Liz Truss, la très droitière Première ministre, qui a provoqué à elle seule une crise financière majeure et qui a été mise à la porte après à peine un mois de pouvoir, et enfin à la politique de Sunak, jugée souvent hésitante et maladroite.

L’échec du Brexit

Elle a surtout une cause plus générale : l’échec retentissant du Brexit. Non que la Grande-Bretagne se soit effondrée, comme certains europhiles l’avaient annoncé, mais parce que les électeurs se rendent compte qu’aucune promesse des brexiters n’a été tenue. L’économie britannique réussit moins bien – ou plus mal – que celle de l’Union européenne. Le système de santé, qui devait bénéficier des milliards soi-disant économisés par le Brexit, n’a rien vu venir. L’immigration au Royaume-Uni, premier argument des partisans du « leave », ne s’est en rien ralentie et la diminution des entrées en provenance d’Europe a été compensée par l’arrivée massive d’immigrés venus d’Asie.

Enfin, Rishi Sunak se heurte à un obstacle, de taille : le travailliste Keir Starmer, homme austère et déterminé, s’est employé à effacer le désastreux souvenir de Jeremy Corbyn, leader travailliste radical – un ami de la France insoumise – qui avait mené son parti à la défaite en poursuivant la chimère d’une rupture sans contenu et en prêtant le flanc aux accusations d’antisémitisme (cela nous évoque quelque chose, non ?). C’est en revenant sur une ligne franchement sociale-démocrate que Keir Starmer se retrouve grand favori du prochain scrutin.

Au même moment, en France, un autre social-démocrate, Raphaël Glucksmann, mène une campagne efficace, qui le place désormais à un point du parti macroniste, avec une dynamique favorable dont beaucoup pensent désormais qu’elle le placera en deuxième position de l’élection européenne. Rien n’est sûr, of course, et les aléas de campagne valent des deux côtés de la Manche. Mais enfin, si tout cela se confirme, il faudra bien en tirer quelques leçons stratégiques. Non ?

Laurent Joffrin