C’est Larcher qu’il nous faut !

par Laurent Joffrin |  publié le 30/05/2024

La rumeur est insistante et symptomatique : en cas de déroute aux européennes, la macronie en panique envisagerait de recourir au sage suprême du Luxembourg. Ce qui révélerait enfin sa vraie nature politique.

Laurent Joffrin

Ce serait un aboutissement, un couronnement, une apothéose. Après une longue quête héroïque, une saga semée d’embûches, un parcours homérique fait de succès et de vicissitudes, la macronie aurait in fine trouvé son prophète hiératique, son imam caché, son Bouddha du grand véhicule, son messie apparaissant en gloire à la fin du temps biblique, intronisé à Matignon pour terminer le quinquennat dans un triomphe étincelant : Gérard Larcher.

La rumeur en court Paris, en effet. Privé de majorité à l’assemblée depuis 2022, meurtri par les crises à répétition, notamment celles qu’il a lui-même créées, menacé de déroute électorale aux européennes, Emmanuel Macron envisagerait sérieusement de s’accrocher à une bouée de sauvetage aux formes adéquates pour sauver son second mandat. Le président de la République vouerait son sort final au président du Sénat.

La nouvelle incarnation du « en même temps »

À la différence de ses prédécesseurs depuis 2022, réunissant sous son aile bonhomme députés macroniens et élus LR, Gérard Larcher bénéficierait d’une majorité de parlementaires disposés à appuyer un nouveau gouvernement macronien. Le rassurant locataire du Palais du Luxembourg serait ainsi la nouvelle incarnation du « en même temps » cher au président. Ancien vétérinaire, familier de la gent animale, il pourrait dire, comme la chauve-souris de La Fontaine : « Je suis oiseau, voyez mes ailes ; je suis souris, vive les rats ! ». Autrement dit : « Je suis de droite, voyez mes votes ; je suis du centre, vive Macron ! »

Ce talent d’ambivalence, il le cultive jusque dans la moindre déclaration, ce qui lui vaut quelques épigrammes, comme celui d’Aurélien Pradié, un de ses amis de LR, député du Lot : « Si vous avez compris ce que Larcher dit, c’est que vous n’avez pas tout à fait compris ». Ainsi seraient effacés les deux précédents occupants de Matignon, Élisabeth Borne, mère courage à la triste figure, ou Gabriel Attal, chérubin souriant et autoritaire, que le Prince sacrifierait à la recherche d’une alliance avec LR, seule à même de lui permettre de gouverner.

Le « en même temps » originel atteindrait même une pureté ontologique qui révélerait la vérité nue du macronisme, puisque le nouveau Premier ministre, esprit rond dans un corps rond, sage de penchant et sage de réputation, conservateur de tempérament conservateur, serait « en même temps » de droite et de droite.

Laurent Joffrin