Chaos en Haïti

par Malik Henni |  publié le 15/03/2024

Haïti intéresse les médias du continent américain. La démission du Premier ministre Ariel Henry ouvre la voie à l’inconnu, alors que des gangs rivaux terrorisent les centres urbains

Un manifestant devant des pneus enflammés dans la rue lors d'une manifestation faisant suite à la démission du Premier ministre Ariel Henry, à Port-au-Prince, en Haïti, le 12 mars 2024 - Photo Clarens SIFFROY / AFP

Tous les grands quotidiens latino-américains informent leurs lecteurs sur Haïti. L’Argentin Clarin note que plus de « 200 gangs » font régner la terreur, « toujours en lien avec des partis politiques ».

Le O Globo brésilien insiste sur le retrait des agents de l’ONU qui ne peuvent plus effectuer leur mission à cause de l’insécurité, aggravant la situation sanitaire. 

En Uruguay, El Pais brosse un portrait peu flatteur du Premier ministre démissionnaire, « le médecin qui n’a pas réussi à mettre Haïti sur pied ». Son rôle trouble dans le meurtre du Président Moïse il y a deux ans a jeté le discrédit sur son leadership : « la nuit de l’assassinat, Henry a entretenu plusieurs contacts téléphoniques avec l’un des principaux suspects, Joseph Félix Badio ». Incapable de retourner dans son pays avec un déplacement officiel au Kenya, il a annoncé son retrait depuis Porto Rico le 11 mars.

L’inquiétude est particulièrement grande au Québec où l’importante diaspora haïtienne assiste, impuissante, au naufrage de « la perle des Antilles ». Dans Le Devoir, journal indépendantiste de centre-gauche, une expatriée haïtienne cite un ami resté à Port-au-Prince : « Chaque soir, on se dit qu’on a réussi à passer la journée, mais qu’on ne sait pas pour demain ». Un exilé haïtien ajoute : « On observe notre pays se désintégrer avec des milliers et des milliers de personnes déplacés. Mais il n’y a pas de réponse de l’État ni de réponse efficace de la part de la communauté internationale. C’est une faillite globale. »

Dans le colombien El Tiempo, l’ancien maire de Montréal, ministre de la Francophonie et rapporteur spécial pour Haïti Denis Coderre se fend d’une tribune dans le même journal pour dénoncer cette absence de réponse. Le politique est indigné de voir que « la sourde oreille » qu’adressent les dirigeants québécois et canadiens au peuple haïtien. Cette mise en accusation de « l’indifférence mondiale » se retrouve aussi dans les colonnes de l’un des journaux les plus lus d’Amérique latine. Le maire appelle à un sursaut diplomatique de la part d’Ottawa, dont les liens historiques et linguistiques avec Haïti sont forts, sans pour autant « faire à nouveau de Haïti une “république des ONG” ou un protectorat. » La mise en place d’élections pour sortir de la crise politique est primordiale.

Excelsior, le journal de référence mexicain, dans une perspective plus internationale, constate que la crise qui frappe Haïti sert de faire-valoir à l’autocrate salvadorien Nayib Bukele, qui a retweeté une vidéo d’une scène de violence. Le chef d’État, qui a fait de la lutte contre les gangs sa priorité, estime que ses méthodes, efficaces, mais dénoncées par les ONG des droits de l’Homme peuvent « faire la même chose à Haïti ». Il demande une résolution de l’ONU pour « remédier » à la crise, sans plus de détails.

Malik Henni