Chikirou-Le Pen, même combat
Mis en cause pour des pratiques financières douteuses, le RN et LFI dénoncent à hauts cris un « complot du système » contre leurs formations. Un tintamarre ridicule qui ne saurait dissimuler la gravité des charges qui pèsent contre eux.
Le toupet des partis populistes, de gauche ou de droite, est sans limites. À la manière d’un Donald Trump, ils dénoncent obsessionnellement les turpitudes du « système ». Mais quand ils sont très fortement soupçonnés d’avoir abusé des largesses dudit « système », ils dénoncent un complot imaginaire ourdi… par le « système ».
Ainsi la semaine dernière, Sofia Chikirou, qui n’est pas, on l’aura noté, la plus sympathique et la plus ouverte des responsables de LFI, s’est illustrée dans le genre. Cette proche de Jean-Luc Mélenchon a été mise en examen pour « escroquerie aggravée », « abus de biens sociaux » et « recel d’abus de confiance » pour des surfacturations présumées lors de la campagne LFI de 2017. La justice lui reproche d’avoir facturé, par le biais de sa société Mediascop, des prestations avec des marges très supérieures aux autres professionnels du secteur, alors que les prestations effectuées dans le cadre des campagnes font l’objet d’un remboursement par l’Etat.
Tel un coucou suisse, le parti dénonce aussitôt « un acharnement judiciaire et médiatique insupportable » et « une opération politico-judiciaire sans fin », pour ajouter : « dans la situation actuelle de déni de la démocratie et de motion de destitution en cours contre Macron, LFI dénonce une stratégie de pourrissement des relations politiques. La stratégie de lawfare est un danger pour la démocratie.» (Le « lawfare » est une manœuvre destinée à discréditer un adversaire sur la base de procès montés de toutes pièces). Or les informations de presse, notamment celles de Mediapart, sont à la fois précises et accablantes, ce que la justice a décidé d’élucider.
Même scénario avec Marine Le Pen, dont le procès s’ouvre ce jour à Paris. La justice lui reproche d’avoir détourné de l’argent public européen en utilisant pour son parti en France des assistants parlementaires strictement dédiés, en principe, au travail des députés européens. Le RN répond que ces assistants occupent une fonction politique et que leur député peut disposer de leur travail comme bon lui semble, y compris dans des tâches politiques nationales.
Malheureusement pour cette autre victime de l’« acharnement judiciaire », le Parlement européen prévoit qu’un assistant parlementaire ne peut être rémunéré que pour des tâches directement liées à l’activité de l’eurodéputé qu’il assiste. L’article 33 du code de bonne conduite du Parlement européen est très clair : « Seules les dépenses nécessaires et directement liées à l’exercice du mandat parlementaire peuvent être défrayées ».
À cela, l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, révélée par France-Info, ajoute que le « caractère systémique des détournements » montre qu’ils sont devenus « un moyen de financement du parti » dans un contexte de difficultés financières. Le Parlement européen, qui s’est constitué partie civile, a évalué son préjudice à 6,8 millions d’euros pour les années 2009 à 2017. La justice cite des échanges accablants, comme ce courrier du trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, adressé le 16 juin 2014 à Marine Le Pen : « Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen et si nous obtenons des reversements supplémentaires ». Tout aussi édifiant : un message envoyé par l’ancien eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser après une réunion tenue par Marine Le Pen à Bruxelles à la même période. « Ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs ».
L’affaire est d’importante, puisque Marine Le Pen risque une peine d’inéligibilité et que Jordan Bardella, exempt d’accusations, a vu Libération révéler l’existence de documents falsifiés destinés, selon le journal, à camoufler le même double rôle délictueux. Jean-Marie Le Pen, lui aussi mis en cause, mais dispensé de comparaître pour raisons de santé, avait naguère diffusé une affiche du FN titrée « Tête haute, mains propres ». Tête haute, certes, mais pour le reste…
Autrement dit, les cris d’orfraie poussés par LFI et le RN pour couvrir ces mises en cause ne doivent impressionner personne. La justice fait son travail, appuyée sur des documents solides, hors de tout acharnement et de tout complot. Il lui revient, et à elle seule, de trancher le sort de ces bruyants démagogues.