Chine-Afrique : fin d’une lune de miel ?
L’emprise chinoise semblait desserrer en Afrique. Le Forum économique tenu à Pékin du 4 au 6 septembre montre plutôt le contraire.
La Chine a-t-elle relégué au second plan son rêve africain ? Le ralentissement de la conjoncture économique en Chine, la réduction importante des crédits apportés à l’Afrique au cours des dernières années et le déficit toujours croissant de la balance commerciale au détriment du continent (64 milliards de dollars en 2023) pouvaient laisser penser que le géant asiatique mettait un frein à ses engagements africains. La tenue du Forum de coopération Chine-Afrique à Pékin du 4 au 6 septembre a démontré qu’il n’en était rien. Il a réuni le nombre record de 53 pays africains dont une vingtaine de chefs d’État, et parmi eux le chef de la junte du Mali, Assimi Goïta, venu pour signer des accords sur des équipements militaires.
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XI, le président chinois, n’a pas lésiné sur les superlatifs, qualifiant la période actuelle de « la meilleure qu’ait connue » la relation entre l’Afrique et son pays, et insistant lourdement sur « les profondes souffrances » infligées par l’Occident aux pays en développement. Il est allé au-delà, en promettant le déblocage de 50 milliards de dollars avant le prochain sommet, dont 29 en lignes de crédit (un niveau comparable à celui du début des années 2010). En investissements, même si la Chine affecte de vouloir se centrer désormais sur des projets « petits mais beaux », elle ne s’interdit pas de soutenir le développement des infrastructures, par exemple en Afrique de l’Est ou pour d’exploitation du fer en Guinée.
Pour autant, il apparaît de plus en plus clairement que cette relance, n’est pas celle à laquelle aspirent les pays les plus soucieux d’affirmer leur souveraineté économique. Le rêve africain d’une industrialisation endogène, encouragée par la Chine, ne se produira pas plus en 2024 qu’avant. Certes Xi a mis en avant la perspective de créer un million d’emplois et d’offrir 60.000 places en formation professionnelle sur la même période. Mais sans préciser comment, ni dans quels secteurs, ni dans quels pays.
En fait, ce Forum a surtout pris une dimension politique et sécuritaire. Ce sont aujourd’hui des centaines de milliers de cadres, d’ingénieurs, de techniciens ou d’ouvriers chinois qui œuvrent en Afrique dans une insécurité croissante. La Chine n’a guère confiance dans les forces de sécurité locales. Elle a en conséquence encouragé le développement de milices privées, qui commencent à ressembler à celles déployées depuis plus longtemps par la Russie.
Sur le plan militaire, Pékin souhaite adjoindre à sa première base installée à Djibouti dès 2017, une autre base du côté du Golfe de Guinée, visant non seulement à consolider les conditions de sécurité d’un commerce croissant avec l’Afrique de l’Ouest mais également à disposer d’une vision prospective accrue de la sécurité atlantique. D’où l’inquiétude exprimée par les États-Unis ou l’Europe voire l’Otan.
La Chine tient aussi, et surtout, à démontrer à quel point son modèle politique autocratique, alliant la main de fer du parti unique et la course au profit économique, lui a permis de sortir du sous-développement, à la fois rapidement et efficacement. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guttieres, lui-même présent à Pékin, a apporté de l’eau au moulin de cette thèse, en qualifiant de « remarquable » le bilan de la Chine en matière de développement. D’où la volonté de la Chine de le populariser encore davantage, en installant une plateforme « de partage d’expériences sur la gouvernance », en développant une vingtaine de centres d’études sur la relation Chine-Afrique, et en invitant plus d’un millier de personnalités politiques africaines à se rendre en Chine. De quoi peser encore davantage sur la scène internationale.