Chine: le ciel n’attend plus
Avec son nouvel avion, la Chine fait un grand pas dans un secteur industriel où elle n’existait pas. Comme dans les panneaux solaires, les TGV ou les voitures électriques…
Juste dix ans après sa première présentation au Salon aéronautique du Bourget, le C919, concurrent chinois des Airbus 320 et Boeing 737, est entré en exploitation commerciale entre Shanghai et Pékin. « A qui sait attendre, le temps ouvre ses portes », dit un proverbe chinois.
La sagesse a porté ses fruits. Même avec huit années de retard sur le programme initial, l’avion moyen-courrier produit par la société Comac, est maintenant opérationnel sur le plus grand marché mondial du transport aérien.
Dès 2007, Pékin identifiait l’aéronautique comme un secteur stratégique qui, quatre ans plus tard, était propulsé parmi les priorités du plan quinquennal. Alors que Pékin parvenait dans le spatial à lancer en 2013 une de ses propres fusées avec trois astronautes chinois à bord, le développement du C919 se poursuivait dans l’aéronautique civile.
Tout comme elle a su tirer profit des transferts de technologie qu’elle obtint de l’Allemagne pour construire ses propres TGV qui circulent aujourd’hui sur le plus grand réseau mondial à grande vitesse, la Chine a mis au point un avion de ligne moderne inspiré de la concurrence. Il est destiné à répondre aux besoins d’un marché planétaire estimé à 40 850 appareils sur les vingt prochaines années, selon Airbus.
Or, dans cette perspective, la demande chinoise devrait être aussi importante que celle de l’Europe avec 21 % du marché, un peu plus même que celle des États-Unis (18 %).
Toutefois, le temps commande encore. La cadence des productions de Comac doit monter en puissance et l’industriel n’est pas prêt de rivaliser avec les deux géants Airbus et Boeing. Mais compte tenu de la demande qu’il saura susciter sur son marché domestique comme dans certains autres pays asiatiques ou africains avec qui Pékin entretient des relations privilégiées, nul doute que le chinois viendra s’immiscer dans le duel euro-américain.
Surtout si, pour satisfaire des ambitions clairement assumées, Pékin choisit de pratiquer des stratégies commerciales agressives, comme ce fut le cas dans les panneaux solaires pour étrangler les producteurs d’autres pays. Ou comme elle s’y emploie aujourd’hui dans les voitures électriques en bousculant les constructeurs occidentaux avec l’offre la plus étoffée du marché. Qu’importe le temps que cela prendra: la Chine sait en faire son allié.
Pour autant, le nouveau venu ne va pas détrôner Airbus ou Boeing. Même en Chine, Airbus veut continuer à occuper le terrain. À cet effet, alors que l’avionneur européen exploite depuis 2008 une usine de montage à Tianjin, il a annoncé en avril la construction d’une deuxième ligne d’assemblage pour doubler sa production locale d’A320. Fort de cet ancrage et de la valeur ajoutée locale, il compte bien ménager ses entrées auprès des compagnies chinoises.
Si le C919 a notoirement profité de cette présence en Chine, l’arrivée de ce nouveau prétendant ne condamne pas pour autant la concurrence occidentale.