La Chine fait main basse sur le fer de Guinée

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 26/04/2024

Pékin poursuit ses opérations de prédation sur le continent africain. Cette fois, c’est au tour du très riche minerai de la Guinée

Des femmes guinéennes travaillent dur pour subvenir aux besoins de leurs familles et élever leurs enfants à Conakry, Guinée, le 27 juillet 2021 - Photo Ozkan Bilgin / ANADOLU AGENCY

Il y a plus de cinquante ans, sous le règne de Sékou Touré, un considérable gisement de fer était découvert sous le mont Simandou à plus de 600 km à l’est de Conakry. Les réserves sont estimées à 8 milliards de tonnes pour un minerai d’une qualité telle -65 % de teneur en fer- qu’il est considéré comme une exception géologique lui valant le surnom de « caviar de fer ».

Depuis, cinq chefs d’État de la Guinée ont tenté de transformer cette découverte en activité effective. Le dernier en date, Mamadi Doumbouya, chef de la junte ayant renversé Alpha Condé, y est enfin parvenu. Au profit d’un bénéficiaire principal qui ne surprendra guère, la Chine ! Longtemps , le groupe anglo-australien Rio Tinto a tenu la corde sans toutefois se décider à démarrer l’exploitation. Le projet représente un investissement de 20 milliards de dollars. Cette somme comprend l’extraction du minerai, la construction de la voie ferrée destinée à l’acheminer , et l’aménagement du port en eau profonde pour le transborder sur des bateaux, au large de Moribaya près de Conakry.

Le groupe public chinois Baowu, n°1 mondial de l’acier a pris cette affaire en main. Le montage financier confie en effet les deux premières mines au groupe à travers sa filiale à 42,5 %, WCS, dont un autre groupe chinois détient plus de 20 %. Les deux autres mines seraient contrôlées à 15 % seulement par l’État guinéen et à 85 % par une autre société Simfer Jersey, contrôlée par Rio Tinto à 53 % et d’un conglomérat d’opérateurs chinois à 47 %. Les Chinois ont donc la part belle dans le capital des sociétés exploitantes et pourront contrôler les trois quarts de l’activité… et des résultats financiers. 

À l’évidence, il s’agit d’un projet stratégique majeur pour l’industrie lourde chinoise. La République populaire a besoin de diversifier à tout prix ses sources d’approvisionnement pour ne pas trop dépendre de l’Australie pour sa fourniture de minerai de fer.

Le changement politique intervenu en Guinée est pour beaucoup dans la levée des réticences de la Chine à consentir un tel investissement. Comme la bauxite à laquelle sont également liés des intérêts chinois, le minerai sera livré non traité sur les bateaux chinois. Comme pour la bauxite, il sera exporté sans que la Guinée en tire le moindre profit en termes d’industrialisation. Conakry espère quand même espère tirer de cette affaire une rente de 1 milliard de dollars par an. C’est considérable pour une économie dont le budget ne dépasse pas 4 milliards.

Mais une fois ces filons ferrifères épuisés, que restera-il ? Le chef de la junte guinéenne aurait pu conclure un « deal » favorable à une industrialisation nouvelle de son pays. Comme les régimes précédents, le pouvoir actuel se contentera de profiter de la rente…

Jean-Paul de Gaudemar

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