Objectif Zéro Chômeurs

publié le 11/04/2023

Supprimer à terme le chômage de longue durée, plaie chronique de la société française : voilà l’ambition de l’association « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Aimable utopie ?

Laurent Grandguillaume, Association "Territoire Zéro" -Image FB

Résurrection des « ateliers nationaux » de 1848 ? Douce illusion d’un franc-tireur irréaliste ?

Non : une solution concrète, crédible, déjà essayée avec succès dans des dizaines de villes, trouvée par l’association soutenue par ATD-Quart-Monde et animée par l’ancien député socialiste Laurent Grandguillaume. 

Créé par la loi du 29 février 2016 et renouvelé par la loi du 14 décembre 2020, le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » a pour principe d’embaucher des personnes privées d’emploi depuis plus d’un an et domiciliées depuis au moins six mois au sein de ces territoires.

Volontaires, celles-ci sont alors employées en contrat à durée indéterminée par des entreprises de l’économie sociale et solidaire dites « entreprises à but d’emploi » (EBE), pour des activités non couvertes par le secteur privé des bassins d’emploi concernés (recycleries, épiceries ou garages solidaires, etc.).

Le financement de l’expérience est fondé sur l’activation des « dépenses passives ».

Elles sont liées à la privation d’emploi (les prestations de Pôle-emploi, pour l’essentiel). Il s’agit de rediriger les budgets publics dépensés pour les prestations chômage pour financer les emplois manquants sur les territoires et d’y ajouter le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises qui emploient les chômeurs. C’est un outil supplémentaire à la main des territoires pour apporter une réponse concrète aux personnes les plus éloignées de l’emploi.

Objectif : que personne n’est inemployable.

Un exemple à Jouques (Bouches-du-Rhône). Après plus d’un an de chômage, Guillaume Ohanian s’est remis en selle : le voilà loueur de vélos dans son village, où cette activité n’existait pas. S’il a pu se lancer, c’est grâce au dispositif territoire zéro chômeurs.

Dans la commune, les chômeurs longue durée qui le souhaitent sont embauchés par une entreprise à but d’emploi. Les indemnités qui auraient dû être versées à ces chômeurs financent cette société. Désormais salariés au SMIC, ils peuvent créer de nouvelles activités sur le territoire.

En 2017, il y avait 200 chômeurs longue durée. Un an plus tard, 34 d’entre eux ont été recrutés par l’entreprise Élan Jouques. Ici, c’est un atelier boutique qui a vu le jour. Un concept malin déco/mobilier, et deux emplois crées au village.

C’est la mairie qui pilote le dispositif en fédérant tous les acteurs locaux de l’emploi. Chaque semaine, de nouvelles idées arrivent. Les demandeurs d’emploi de Jouques sont accompagnés pour concrétiser leur projet. Un peu partout en France, les mêmes expériences se déroulent, le plus souvent avec succès.

Avec Laurent Grandguillaume, l’association a été lancée par ATD Quart Monde, rejoint par d’autres acteurs de la lutte contre l’exclusion (Emmaüs France, Le Secours catholique, Le Pacte civique, La Fédération des acteurs de la solidarité…)

Le projet est d’abord expérimenté dans dix territoires de 5 000 à 10 000 habitants depuis janvier 2017, dans le cadre d’une loi d’expérimentation votée à l’unanimité par le parlement le 29 février 2016. En 2020, une proposition de loi a étendu l’expérience à une cinquantaine de territoires. Il repose sur trois intuitions – personne n’est inemployable, ce n’est pas l’argent qui manque et ça n’est pas le travail qui fait défaut.

Territoires zéro chômeur de longue durée s’appuie sur la combinaison de six principes fondamentaux

Un emploi doit pouvoir être proposé à toutes les personnes privées durablement d’emploi volontaires du territoire. Les personnes concernées par l’expérimentation sont les demandeurs d’emploi, quel que soit le motif pour lequel leur contrat de travail a pris fin, qu’elles soient inscrites ou non sur la liste établie par Pôle emploi. Elles doivent être privées d’emploi depuis plus d’un an et domiciliées depuis au moins six mois dans l’un des territoires participant à l’expérimentation.

L’embauche non sélective

l’emploi est produit en fonction des savoir-faire, des envies, des possibilités des personnes et de leur date de candidature

La qualité de l’emploi

l’objectif est double. Apporter d’emblée une sécurité à ceux qui subissent le plus durement la pénurie d’emploi avec le recours au CDI. Permettre à chacun d’être acteur de l’animation de l’entreprise à but d’emploi (EBE).

L’emploi à temps choisi 

les personnes embauchées choisissent leur temps de travail.

L’emploi-formation 

l’emploi proposé aux personnes doit leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences. Le caractère formateur de cet emploi doit donc toujours être garanti : montée en compétences sur un poste de travail donné, mobilité professionnelle au sein de l’entreprise, formation continue…

La création nette d’emplois

 Les EBE doivent s’attacher à proposer des emplois supplémentaires sur le territoire en articulation avec le tissu économique local.

Ainsi, estiment les promoteurs du projet, grâce à la mobilisation collective, l’économie peut être au service de l’humain et de la planète, à condition que les plus éloignés de l’emploi soient au cœur de la démarche.