Circulez, rien à voir
Les annonces révélées ce mardi matin par la ministre de l’éducation nationale s’inscrivent dans une continuité qui évite une énième révolution de palais au sein de l’institution scolaire. Mais sans gouvernail et avec Guillaume Kasbarian félicitant Elon Musk à la fonction publique, l’école ne guérira pas de sitôt.
« On a tout essayé », souvenons-nous de ce terrible aveu de François Mitterrand, maladroit, à propos du chômage de masse à la fin des années 80. Concernant l’école, les gouvernements successifs acteraient presque la même chose, sans rien en avouer à la tribune.
Rien ne révolutionnera les annonces successives des quatre derniers ministres en moins de 25 mois et personne n’en fera le reproche à cette dame, inconnue du grand public il y a peu. Tout juste pourra-t-on souligner une somme d’incohérences rendant illisibles l’objectif de la hausse du niveau qu’elle prétend poursuivre : une annonce de 1 000 recrutements, alors que son collègue Kasbarian vient de justifier la suppression de 4 000 autres sans ciller et que la crise de recrutement est à son paroxysme pour des raisons maintes fois évoquées dans ces colonnes.
Le « choc des savoirs » mis en place par l’ex Premier ministre fait l’économie du bilan, comme toujours. Aucun état des lieux, même provisoire, avant de prétendre au second étage de la fusée. La rue de Grenelle est une spécialiste du millefeuille des réformes, à la manière d’un politburo ou d’un Gosplan soviétique, évitant la réunion du soviet, de peur que la vérité ne soit révélée au grand jour.
Le remplacement de courte durée, par exemple, élément du Pacte, contracté par des enseignants volontaires en échange d’une rémunération bonifiée, est percuté par les groupes de niveaux au collège, mis en place dans la foulée de l’acte I de la réforme. En effet, le remplacement ne fonctionne que de discipline à discipline et sur une classe.
Lorsqu’un professeur de français ou de mathématiques, enseignant en 6e ou 5e est absent, il n’assure plus ses cours sur des groupes de soutien et non sur une classe, ce qui rend impraticable le remplacement de courte durée, initié pour palier à l’absentéisme, sauf à généraliser les groupes à toutes les disciplines.
L’annonce martiale de l’obtention du brevet pour le passage en seconde à l’horizon 2027 est une autre aberration pratique désespérant les professionnels de l’éducation. On peut discuter de l’opportunité d’un examen de passage nécessaire à la poursuite d’études dans le second cycle, à la condition d’être en capacité de gérer les flux de ceux restés sur le carreau. Or, en l’état actuel des choses, et en admettant que les élèves l’acceptent, les places en lycée professionnel ne permettent même pas d’aboutir à un vœu choisi pour un élève s’orientant en cycle professionnel, sans évoquer un éventuel doublement.
Même plaisanterie – tragique – lorsqu’il s’agit d’échouer en grandes pompes dans le domaine de l’inclusion, faute d’AESH formées et rémunérées convenablement. Alors, à quoi bon ?
C’est le danger de l’heure pour l’école. A force d’annoncer des mesures sans être en mesure de les tenir dans les établissements, l’aquabonisme devient la norme et une part de cynisme guette les plus éreintés par un ministère maltraitant. Un point sur lequel, il est unanimement reconnu cohérent et uniforme, par ses agents comme ses usagers.