« Civil War », le bon vieux temps de la Sécession
Une guerre civile aujourd’hui aux États-Unis ? Même après que Trump a lancé ses troupes contre les Capitole, cela reste une fiction. Pour l’instant
Alex Garland, réalisateur anglais connu pour ses films de science-fiction, situe sa nouvelle dystopie dans une Amérique ravagée par la « guerre civile ». Aujourd’hui pourtant, on a le sentiment qu’on n’est pas loin de notre réalité. Une sorte de tabou est brisé : la menace ne vient pas d’un cataclysme climatique, ni d’un monstre préhistorique, ni d’aliens aux intentions énigmatiques. C’est bien de nous qu’il s’agit, et d’une Amérique divisée contre elle-même, comme aux temps pourtant lointains de la Guerre de Sécession que les Américains appellent « Civil War » et qui a fait 750 000 morts, plus que toutes les autres guerres d’Amérique réunies.
Le film s’ouvre sur un discours du Président. Il tente par des mots de sauver ce qu’il lui reste d’un troisième mandat (deux seulement sont actuellement autorisés) dans un Washington en voie d’encerclement par une coalition sécessionniste menée par la Californie, le Texas et l’Alliance floridienne. Aucune explication historique, aucune justification morale, seuls le chaos et les armées en marche.
Mais dans le fond, ce n’est pas cette situation forte qui semble intéresser Garland. Elle est surtout le prétexte à un voyage halluciné à travers l’horreur, la désolation, la folie des hommes et à une réflexion sur le métier de journaliste.
Lee Smith, mythique photographe de guerre – toute ressemblance avec Lee Miller, photographe et correspondante de guerre américaine de 1944 à 1956 est bienvenue – décide de quitter New York pour rejoindre Washington et recueillir la dernière interview et faire les dernières photos du Président avant sa chute (formidable Kirsten Dunst, toute en retenue, en dureté et en désenchantement).
Elle embarque avec elle Sammy, autre mythe du journalisme désormais vieux, fatigué et trop gros. Et surtout, contre son gré, une frêle et volontaire photographe de 23 ans qui rêve de suivre les traces de son modèle, Lee, et bien entendu le fera, assurant la relève. L’ attelage, typique pour faire un bon road-movie, fonctionne effectivement à merveille.
Garland pourrait en faire des tonnes avec ces ingrédients, pourtant il en use avec distance, ellipse et respect : il montre, fait entendre, ne juge pas, calquant son attitude sur celle du reporter de guerre, qui fixe l’évènement et laisse aux autres l’interprétation. On l’aura compris, ce film est un hommage à l’information libre et un hymne aux reporters de guerre. Le Président, qui déteste cette race, a bien promis de les exécuter. Il va perdre, bien entendu. Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’une fiction.
« Civil War »- Film d’Alex Garland – en salle