Civitas, à l’extrême-droite de Dieu

par Yoann Taieb |  publié le 17/02/2024

L’organisation, dissoute par Darmanin, rêvait de sabres et de goupillons, de race pure et de messe en  latin

Le parti catholique Civitas lors de l'hommage à Jeanne d'Arc - Photographie de Quentin de Groeve / Hans Lucas

Bardella, Le Pen, Zemmour… des mous ! Tous incapables d’affronter la « dictature maçonnique et totalitaire » qui gouverne la France. Les seuls, les vrais sont les croisés de Civitas. Fondée en 1999, cette association nationale-catholique s’est transformée en parti politique en 2016. Bien sûr, le mouvement se définissait comme « apolitique » ou « ni de droite ni de gauche ». Ce qui veut souvent dire , très loin à droite. Civitas est surtout ailleurs des composantes habituelles de la démocratie française. Jean Ousset, son fondateur était un maurrassien, collaborateur du régime de Vichy.

À ses débuts, Civitas réunissait des personnalités très marquées telles que Michel Fromentoux, fervent défenseur de la monarchie ou Jacques Bompard, membre fondateur du FN et proche du MPF de Philippe de Villiers. Une brochette qui mélange toujours les mêmes ingrédients : nationalisme, racisme, intégrisme religieux pour une mayonnaise indigeste pour tout républicain.

Son chef, Alain Escada, militant historique de l’extrême droite belge, nationale et catholique, s’est lancé dans le lobbying parlementaire expérimenté selon lui avec succès à Bruxelles. Sous sa houlette, le mouvement se radicalise encore, vise à la « rechristianisation » de la France et prône « la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ ». La République, est bien sûr, une œuvre diabolique. Civitas ramasse pêle-mêle des égarés d’une aristocratie finissante, comme des gilets jaunes en mal de repères idéologiques. Rien de commun entre eux.

Entre 2012 et 2014, Civitas se distingue pour son hostilité au mariage homosexuel, une « homofolie ». En juin 2012, l’association publie un tract avec un slogan : « Confieriez-vous des enfants à ces gens-là ? » et une illustration, deux hommes se promenant en strings. La lutte contre l’avortement a aussi sa place. L’organisation fonde un collectif : Coalition pour la Vie et la Famille… avec le soutien d’élus du parti néonazi grec, Aube Dorée, et d’un ancien élu du parti néonazi slovaque « Notre Slovaquie ». En fait , il s’agit surtout de grappiller des financements du Parlement européen. En 2016, Civitas est devenu un parti politique et veut des députés.

À l’approche de la présidentielle et des législatives de 2017, une alliance est conclue avec le comité Jeanne d’Arc de Jean-Marie Le Pen et le Parti de la France. La campagne bat son plein et le 11 mars 2017, Civitas organise sa première « Fête du pays réel » (expression maurassienne). Ses candidats seront tous éliminés au premier tour. Leur programme prônant la mise en place d’une sorte de théocratie avait de quoi faire fuir les électeurs.

Le parti disparaît dans les limbes réactionnaires jusqu’à l’été 2023. Pierre Hillard, essayiste antisémite, invité lors de l’université d’été en Mayenne, propose de revenir au régime d’« avant la naturalisation des juifs en 1791 » parce que celle-ci aurait « [ouvert] la porte à l’immigration ».  Gérald Darmanin entame alors une procédure de dissolution qui aboutit en octobre.

Civitas recelait aussi des déchirements internes. Certains avaient vu en Éric Zemmour, « un véritable espoir de salut pour notre identité menacée de disparition par l’immigration », d’autres refusaient de se soumettre à un « Juif ». Mais même chez Éric Zemmour, on jugeait Civitas bien trop radical pour gagner de futures élections. C’est dire.

Yoann Taieb