Climato-tartuffes et climato-distraits

par Laurent Joffrin |  publié le 04/09/2023

En cette rentrée caniculaire, les partis ont curieusement décidé de faire campagne sur tout, sauf sur le climat

Laurent Joffrin

Étrange paradoxe. Au terme de cet été de tous les dangers météorologiques – deuxième canicule cette semaine en France, incendies monstrueux en Grèce, au Canada ou à Hawaï, pénurie d’eau dans plusieurs pays, etc. – on aurait attendu des partis un effort particulier de proposition et de conviction auprès de l’opinion. Le défi climatique devenant éclatant aux yeux de tous, chacun attend des solutions, des perspectives, une stratégie. Au lieu de cela, on a assisté à la naissance, ou au développement, de deux espèces politiques nouvelles, qui prennent leur place aux côtés des climatosceptiques tout en les dénonçant : les climato-tartuffes et les climato-distraits.

Les premiers sont ceux qui sont officiellement convertis à la lutte pour le climat mais n’en tiennent pratiquement aucun compte dans leur action. Ainsi dans cette rentrée, loin des inquiétudes climatiques, droite et extrême-droite font de l’immigration leur thème emblématique, exigeant un référendum sur la question. Pour eux, le soi-disant « grand remplacement » l’emporte de loin en acuité sur le grand réchauffement.

Ils sont rejoints, quoique sur un mode plus contourné, par le gouvernement macronien. Consciente des enjeux, l’équipe Borne a œuvré, c’est incontestable, notamment en produisant un document précieux qui détaille, secteur par secteur, les objectifs de décarbonation assignés à l’industrie française. Mais alors qu’on attendait une mise en oeuvre rapide, les décisions ont été repoussées aux calendes automnales et le climat n’a même pas figuré au menu au grand pow-wow qui a réuni à Saint-Denis, autour du président, les principaux partis français.

Viennent ensuite les climato-distraits, qui sont convaincus de l’urgence, qui ont des projets dans leur besace, mais qui prennent un malin plaisir à suivre des chemins de traverse. Pourtant dotés d’un projet écologique solide et fourni, les Insoumis ont préféré lancer l’offensive contre l’interdiction de l’abaya, « qui n’est pas un vêtement religieux », de même que la pipe de Magritte n’est pas une pipe. Un sujet qu’ils ont jugé, en dépit de la température, plus brûlant que celui des canicules… Encore plus étonnant, les écologistes, qui ont pourtant eu l’immense mérite de sonner le tocsin avant les autres, ont choisi d’amuser le tapis en invitant un rappeur au CV quelque peu incertain et de disserter avec ardeur, non d’un plan climat audacieux et crédible, mais des différentes variantes de l’antisémitisme. Quant au Parti socialiste, englué dans la NUPES, il parle d’une voix si précautionneuse qu’elle est à peine audible.            

Étrange rentrée, donc, où l’important ne semble pas urgent et où l’urgent qui mobilise les partis… n’est guère important.

Laurent Joffrin