Colombie: le président sauve les enfants mais rompt la trêve

par Yoann Taieb |  publié le 11/06/2023

Côté pile, toute la Colombie se réjouit du sauvetage des enfants de la jungle. Côté face, après la rupture de la trêve avec les groupes armés, la violence pointe le bout de son nez

Colombie, sauvetage des enfants dans la jungle.- Photo Colombian Military Forces / ANADOLU AGENCY

Cela ressemble au scénario d’un film « émotion » : quatre enfants égarés au milieu d’une jungle luxuriante où rôdent des animaux dangereux et des groupes armés, recherchés par un pays entier. On retient son souffle.

Zoom arrière. Le 1er mai dernier, quatre enfants embarquent avec trois adultes, le pilote, le copilote et leur mère, dans un petit avion pour rejoindre leur père, gouverneur de la réserve indigène de Puerto Sabalo. Après une probable panne de moteur, l’avion s’écrase. Aucun signe des enfants jusqu’au 16 mai où la carcasse de l’appareil est retrouvée.

Toute la Colombie se passionne pour la recherche des enfants. Des moyens colossaux sont déployés : 184 personnes, dont 112 militaires et 72 indigènes, ratissent une forêt où l’on ne voit rien à vingt mètres. Miracle, l’histoire se termine bien, les enfants sont en vie et la Colombie les fête.

Mais, une autre menace plane sur le pays. Celle du retour des affrontements armés. La trêve de six mois, signée en janvier dernier, avec les cinq principaux groupes armés et des gangs de trafiquants de drogue, vient d’être rompue par le président colombien avec le principal groupe dissident de l’ancienne guérilla des FARC, dans quatre régions du pays, après l’assassinat de quatre mineurs indigènes.

Annoncée par le président de gauche, Gustavo Pedro, ex-guérillero lui-même, cette rupture signe un échec, au moins provisoire, dans le projet de “paix totale” qu’il menait avec vigueur depuis son élection en 2022.

Depuis plus de cinquante ans, la Colombie est secouée par la violence intérieure. Pays producteur majeur de cocaïne, fantasmé à travers la figure de Pablo Escobar et sujet permanent d’une véritable guerre entre l’État et les groupes de guérilleros, tant de droite que de gauche. En tout, ce sont près de quatre-vingt-dix groupes politiques ou criminels qui se battent et représentent 10 000 hommes sous les armes. En un an à peine, l’année dernière, on a décompté près d’une centaine de massacres dans lesquels ils seraient impliqués.

D’un côté, un pays ému qui fête le miracle des enfants retrouvés. De l’autre, son président, de gauche, élu pour changer la vie des Colombiens qui a promis le retour à la paix civile. Et attend un nouveau miracle.

Yoann Taieb