Comment battre les populistes

par Laurent Joffrin |  publié le 22/08/2024

On les croit parfois invincibles, en tout cas difficiles à battre auprès d’une opinion pessimiste et angoissée. La campagne de Kamala Harris montre que les populistes sont vulnérables.

Laurent Joffrin

Trump a gagné d’avance. C’était le pronostic consensuel il y a moins d’un mois, quand un ancien président démagogue et vulgaire, rescapé d’un attentat choquant où il avait failli recevoir une balle en pleine tête, semblait inexpugnable, face à un président sortant atteint par la limite d’âge. Aujourd’hui, tout a changé, comme vient de le démontrer la formidable convention démocrate qui a officialisé la candidature de Kamala Harris et Tim Walz. La gauche américaine est repartie à l’offensive, les sondages se sont renversés et des foules innombrables viennent écouter, à Chicago ou ailleurs, les deux champions du progressisme américain.

Obsolète, la gauche ? La convention a démontré le contraire. Michelle Obama et Barack, Bill Clinton et Hillary, Biden lui-même, puis Harris et son colistier bonhomme et drôle, Tim Walz, tous deux pétris d’expérience, ont démontré qu’ils n’avaient rien perdu de leur sens de l’autodérision, de leur talent oratoire et de leur capacité à faire vivre les valeurs de la démocratie américaine, dans un mélange d’humour, de confidences personnelles, de moqueries ravageuses contre les républicains et d’émotion patriotique. Quant à la nouvelle génération démocrate, ceux qui doutent de sa capacité doivent se passer en replay le discours d’Alexandra Ocasio-Cortez, égérie de la gauche du Parti, qui est à Mathilde Panot ce que Barbara était à Annie Cordy. Quand la gauche parle non par slogans et par provocations outrancières, mais avec le cœur et la raison, elle fait la différence.

Confronté à cette résurrection, Donald Trump, qu’on décrit parfois comme le bulldozer des meetings politiques, a mis à nu sa vraie nature. Son argumentation contre Kamala Harris tient en quatre point : Kamala est « moche » et lui est « beau » (sic) ; elle est « stupide » et lui « brillant » (re-sic) ; son rire est « insupportable » (re-re-sic) ; son programme est « communiste ». Il arrive un moment où un tel ramassis de stupidité finit par se voir, y compris chez les électeurs républicains, qui s’inquiètent de voir à quel niveau de médiocrité et d’infamie est parvenu leur leader. Une théorie d’élus du Grand Old Party, d’ailleurs, fait campagne contre lui, dénonçant son cynisme, ses mensonges compulsifs et ses penchants dictatoriaux.

Rien n’est joué, dira-t-on. Trump est un repris de justice méprisable, mais ses positions protectionnistes, isolationnistes et anti-immigrés plaisent à l’Amérique des profondeurs. Certes. Mais comme en France contre le Pen, le réflexe démocratique et l’estime minimale qu’on porte à son propre pays, dont le message historique est à l’inverse de cette rhétorique imbécile, finit par provoquer un réflexe de survie et de fierté. C’est ce qui est en train de se passer aux États-Unis.

Laurent Joffrin