Complices d’un massacre?

par Laurent Joffrin |  publié le 08/11/2023

Jean-Luc Mélenchon accuse les futurs manifestants contre l’antisémitisme d’approuver implicitement la mort des civils de Gaza. Alors qu’il est un moyen simple de manifester sans se mélanger à l’extrême-droite.

Laurent Joffrin

Donc, l’extrême-gauche de Mélenchon refuse toute participation à la marche de dimanche contre l’antisémitisme. Par pureté idéologique ? Par souci de clarté radicale envers le RN et Reconquête ? Pas seulement. Le tweet de Jean-Luc Mélenchon est très éloquent : « Dimanche, manif de « l’arc républicain » du RN à la macronie de Braun-Pivet. Et sous prétexte d’antisémitisme, ramène [la question] Israël-Palestine sans demander le cessez-le-feu. Les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous. »

Rapide exégèse : la phrase « l’arc républicain du RN à la macronie » est de mauvaise foi : Olivier Véran, porte-parole du gouvernement macronien, a lui exclu le RN de l’appel ; Mélenchon cite Braun-Pivet et non Larcher, étrange sélection, puisque les deux appellent au défilé, sinon que Braun-Pivet est une Française juive et non Larcher. Pourquoi la citer seulement elle, et pas lui, sinon pour mettre en relation sa religion et ses positions sur le Proche-Orient, amalgame typique de l’antisémitisme, justement ?

Vient enfin la phrase outrageante, made in LFI : « les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous ». Autrement dit, les Français qui défileront contre l’antisémitisme seront les complices d’un massacre. Renversons la proposition : pour ne pas être complice du massacre, il ne faut pas dénoncer l’antisémitisme. Voilà où en est l’extrême-gauche française sous la houlette de Mélenchon. Accablant…

Alors aller manifester ? Oui, à coup sûr. Il faut montrer l’unanimité de la nation face au fléau de l’antisémitisme. Mais à condition de régler la question épineuse de la participation de l’extrême-droite, dont le passé clairement antisémite est évidemment un obstacle. Reprenons.

Fort maladroitement, Olivier Faure (le premier à avancer l’idée, un bon point pour lui) avait inclus le Rassemblement national dans les forces politiques qu’il appelait à manifester. Aussitôt, y compris au sein de son parti, les républicains lucides avaient soulevé la question : peut-on convier aussi des forces politiques au lourd héritage pétainiste et antisémite ? Sagement, Olivier Faure a reculé, excluant la présence du RN.

Reprenant l’initiative à leur compte, forts de leur légitimité institutionnelle, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, et Gérard Larcher, président du Sénat, ont appelé à manifester sous l’égide du Parlement, entre le Palais-Bourbon et le palais du Luxembourg, symboles républicains. Réponse favorable (avec des nuances) de tous les partis de gauche, qui viendront à condition de ne pas être mélangés avec le RN ou Reconquête.

Au vrai, il est un moyen simple de surmonter l’obstacle : ne pas convier l’extrême-droite, sans pour autant empêcher ses militants de défiler à la suite du cortège, comme il est de droit pour tout citoyen. C’est peu ou prou la position adoptée par la gauche – qui veut manifester sans se mélanger à l’extrême-droite – et par la macronie, qui refuse elle aussi de se mêler aux partisans de Marine Le Pen et Éric Zemmour.

Dans ces conditions, ne pas manifester, c’est compter chichement au Français juifs la solidarité que leur doit la République. Erreur morale et politique.

Laurent Joffrin