Complot contre l’éducation sexuelle
En plus des textes financiers, de nombreux projets risquent de ne pas être traités ou seront repoussés en raison de la censure contre Michel Barnier. Parmi eux, la très utile éducation sexuelle, victime d’une manipulation ourdie par un clan réactionnaire.
Il n’y a pas que les projets de loi de finances et sur la Sécurité sociale qui peuvent se retrouver en panne si le gouvernement tombe. Au Parlement, était prévue la discussion de nombreux projets, comme la création d’une holding du service public (inscrite à l’ordre du jour du 17 décembre), puis, en début 2025, la fin de vie, l’immigration ou l’agriculture, pour ne parler que des plus attendus. D’autres sujets doivent recevoir le feu vert de Matignon pour entrer en vigueur. Ainsi d’un dossier brûlant, qui provoque une polémique violente jusqu’à l’intérieur du gouvernement : l’éducation sexuelle.
C’est en fait un véritable complot qui a été ourdi par le clan le plus conservateur de la droite contre la ministre de l’Éducation. Le 27 novembre, au Sénat, Alexandre Portier, ministre délégué en charge de la Réussite scolaire dégaine contre le programme d’éducation à la vie affective et sexuelle, préparé et enfin achevé, par les services du « mammouth ». En réponse à une intervention d’un sénateur LR complice, Max Brisson, exigeant que ce programme soit « expurgé de toute trace de wokisme », le jeune ministre, proche de Laurent Wauquiez et réac assumé, a répondu : « Ce texte n’est pas acceptable en l’état. Il doit être revu. Je m’engagerai personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles ».
Une déclaration de guerre à sa supérieure hiérarchique Anne Genetet, qui avait relu et validé le texte destiné aux élèves. Du jamais vu. Comme par hasard, dans la foulée de cette offensive, s’élancent les associations diverses et variées de défense de la famille, qui poussent de hauts cris, et une centaine de sénateurs LR, qui signent une tribune musclée dans le Figaro. La ministre tient bon, affirme que « la théorie du genre n’existe pas » et que les manuels qui seront utilisés sont parfaitement mesurés et adaptés à chaque tranche d’âge. Mais la pression se fait très (trop ?) forte.
Au coeur de la polémique, l’expression « identité de genre » : elle revient souvent (17 fois selon ses détracteurs) et serait la preuve d’une orientation militante. La ministre, qui a commencé par rétorquer crânement qu’elle conserverait ces mots tabous, a ensuite dit qu’elle les ferait disparaitre, avant d’assurer enfin qu’elle en limiterait les occurrences. Aux dernières nouvelles, seuls les lycées y auraient droit. Tempête dans un verre d’eau. Dans le texte que LeJournal a pu lire, l’expression vouée aux gémonies n’apparaît que dans une phrase banale et récurrente sur la lutte contre les discriminations « liées au sexe, à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle ».
En réalité, cette attaque biaisée contre un programme exigé par la loi depuis maintenant 22 ans, est seulement la manifestation d’une opposition au principe même de l’enseignement de l’éducation sexuelle à l’école. Comme en Belgique en 2023 où 8 établissements scolaires ont brûlé pour des polémiques similaires, les conservateurs français veulent hystériser le débat pour mieux tuer la cause.
Alors que le porno est devenu l’école du sexe, et que le procès de Mazan vient de démontrer une fois de plus, et avec quelle ampleur, la nécessité d’introduire la culture du consentement dans la formation des jeunes esprits, cette campagne contre le premier projet de « programmes d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité » est délétère. Le texte doit encore passer devant le CSP (Conseil supérieur de l’éducation) du ministère le 12 décembre. Puis recevoir le feu vert définitif de la ministre et du chef du gouvernement pour sa mise en œuvre. Mais qui sera alors aux manettes, et avec quelles priorités ?