Constitution : la réforme fantôme
Le président n’a pas tort de vouloir des institutions plus proches du peuple. Mais il fait semblant d’ignorer les réalités politiques de l’heure.
Emmanuel Macron propose de retoucher la constitution pour la démocratiser. Il veut, entre autres, élargir le champ des référendums que l’exécutif peut soumettre au peuple aux termes de l’article 11 ; il veut aussi faciliter la tenue des « référendums d’initiative partagée » (RIP) que les citoyens peuvent demander en réunissant un certain nombre de signatures.
Pourquoi pas ? Chacun voit que la démocratie représentative est en crise. Certes, les référendums ne sont pas une panacée, mais ils rendent la parole au peuple entre deux élections nationales, ce que les Français consultés par sondage approuvent à près de 80 %.
Sur le papier, ces retouches constitutionnelles rassemblent donc une majorité d’électeurs. En théorie, elles plaisent « en même temps » aux différentes forces politiques en présence : la droite veut un référendum sur l’immigration ; la gauche est tentée par le « référendum d’initiative citoyenne » (RIC), une version plus audacieuse du RIP. Haut les cœurs !
Seulement voilà : pour modifier la constitution, il faut disposer d’une majorité des deux tiers au sein de l’Assemblée et du Sénat réunis en Congrès. C’est là que le « en même temps » cher au président se retourne comme un gant. Ni la gauche ni la droite ne sont enclins à offrir une victoire politique à Emmanuel Macron. Leurs représentants trouveront donc, facilement, un prétexte pour refuser de voter : les progressistes se méfient d’une consultation portant sur l’immigration ; les conservateurs craignent qu’un RIP présenté par l’autre camp, par exemple sur les retraites, se solde par des dépenses supplémentaires. Censée rallier les oppositions, le projet risque ainsi de susciter « en même temps » le rejet de la droite et de la gauche. Et comme la macronie repose sur une majorité relative, le projet a toutes les chances de succomber à cette conjonction négative des opposants.
Présentée avec force arguments, au fil contourné de la rhétorique présidentielle, l’idée en restera probablement au stade des « paroles verbales », pour ne remplir qu’une seule fonction : occuper le tapis pendant quelques jours dans le but de donner l’illusion de l’action. Ainsi se dissout le verbe macronien, à la manière d’une vaguelette de sable, d’un souffle d’air ou d’une poignée d’eau…