Contre le RN, pour qui voter ?

par LeJournal |  publié le 13/06/2024

Soliloque de l’électeur de gauche rationnel, quand les barbares sont aux portes

PVote à Bois-Colombes, dans la banlieue nord-ouest de Paris, en France - Photo Mohamad Salaheldin Abdelg Alsaye / Anadolu

En dehors des je-sais-tout, des péremptoires et des dogmatiques, quel électeur de la gauche réformiste peut dire dès aujourd’hui : c’est clair, je sais ce que je vais faire le 30 juin et le 7 juillet ? Les automates de LFI, bien sûr, les macronistes de la vraie foi, évidemment. Mais les autres ? Dont moi.

Tentons de raisonner. Pour tout progressiste, pour tout humaniste, l’objectif est net, urgent, évident : empêcher la victoire du RN. On sait que toute boussole a un nord. Ce nord, c’est d’éviter à la France une régression majeure, en prévenant l’arrivée au pouvoir d’un parti intolérant, xénophobe, anti-européen, antiféministe, antiécologique, antirépublicain. Alors ?

Alors, comme lors des seconds tours de 2017 et 2022, le rempart s’appelle-t-il Macron ? Chacun voit bien que non : sa politique n’a pas freiné l’ascension du RN, on peut même penser qu’elle l’a fait monter et, dans la circonstance présente, le macronisme est en passe de s’effondrer sous le poids de ses échecs sociaux et politiques.

Donc la gauche unie ? Toutes les études disent qu’elle arrivera deuxième des formations du futur Parlement. Mais on sent tout de suite la réticence : le comportement de LFI depuis deux ans, et surtout depuis le 7 octobre a été rebutant, scandaleux, inepte sur le fond et insupportable sur la forme. Si ce parti – ou cette secte – domine la gauche, le cas de conscience est terrible. Dans ce cas, l’électeur de gauche se trouve devant un dilemme insoluble : apporter son suffrage à une gauche mélenchonisée et sous emprise, ou bien voter Macron, c’est-à-dire perdant.

Mais si l’accord est honorable, si la gauche se rééquilibre, si la plate-forme commune est conforme à ses valeurs, c’est-à-dire débarrassée des aberrations mélenchonistes, l’affaire change de nature. Dès lors que les réformistes tiennent la barre, la présence d’un parti extrême devient maîtrisable. Et répétons-le : les études montrent que dans de très nombreux cas, l’élection se jouera entre le RN et la gauche unie. Qui, parmi les progressistes, choisira le premier contre la seconde ?

Il est de surcroît un moyen, pour ceux que LFI révulse, de résoudre le rébus. Mieux vaut la gauche : dans les circonscriptions où se présente une ou un candidat socialiste, écologiste ou communiste, le vote Front populaire est logique. Dans celles où LFI s’est imposée, rien n’est obligatoire. On peut voter pour une autre candidature, pourvu qu’elle soit républicaine. C’est un autre moyen de favoriser une gauche rationnelle.

Reste une question : et au deuxième tour ? À mon avis, la réponse arrive d’elle-même : toujours contre le RN. Même avec un candidat LFI ? Oui : ce n’est pas LFI qui gouvernera en cas d’improbable victoire, mais une coalition où LFI sera minoritaire. Et, mutatis mutandis, rappelons la réponse de Churchill à ceux qui lui reprochaient de s’être allié avec Staline : « Si les nazis envahissaient l’enfer, je m’arrangerais pour glisser dans un discours aux Communes quelques mots aimables pour le diable ».

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