Contre les barbares, le mur d’Hadrien

par Pierre Feydel |  publié le 31/05/2024

L’OTAN envisage un mur de drones pour dissuader la Russie de toute attaque. L’Empire romain, déjà, protégeait ainsi ses frontières.

Vue actuelle du mur d'Hadrien, construit entre 122 et 127 apr. J.-C. • AGEPHOTOSTOCK

Hadrien succède à Trajan en 117 après Jésus-Christ, à 41 ans. Il devient le troisième empereur de la dynastie des Antonins. Rome est alors à l’apogée de sa puissance. L’empire occupe 5 millions de km2, possède 88 millions d’habitants . Rome n’est plus une cité, c’est un monde, qui porte pour le nouvel empereur des valeurs civilisatrices quasi universelles. Et Hadrien pense plus à l’intégration qu’à l’annexion. Pour protéger ce gigantesque territoire, l’Empereur veut renforcer le « limes » la frontière de l’Empire par des fortifications.

L’une des plus célèbres, parce que sa trace physique a perduré jusqu’à nous, est constituée du mur construit entre, à l’ouest le golfe de Solway, à l’est à l’embouchure de la Tyne, en Grande-Bretagne. Là, face aux barbares calédoniens qui occupent l’Écosse, la grande île s’étrangle au nord en autant d’isthmes qui, barrés de remparts, faciliteront la défense.

Hadrien est pressé. La construction commence en 122. Elle se terminera en 127. Le mur court sur 117,5 km de la mer d’Irlande à la mer du Nord.et s’élève sur les collines. La muraille atteint 4 à 7 mètres, derrière elle, un talus et souvent un chemin de ronde. Tous les milles pas (1 481m.) un fortin (milecastle) pouvant accueillir une garnison de 25 à 50 hommes. Entre deux de ces petits forts, deux tours de guet, à égales distances, hautes d’un ou deux étages surmontés d’une galerie coiffée d’un toit en tuile. Les cours d’eau qui franchisent le mur sont enjambés par des ponts fortifiés. Ce sont les IIème, XXè et VIè légions qui construiront ce gigantesque ouvrage militaire. 

Les Romains ne vont pas cesser de le renforcer . Ils construisent, adossées au mur, une douzaine de forteresses. L’espace intérieur est divisé en quatre par deux voies se coupant à angle droit. À leur intersection, le quartier général, la trésorerie, le centre administratif du fort et le lieu sacré où sont rangés l’Aigle de la légion, son emblème principal, les divers étendards et une statue de l’empereur. Autour, la résidence du commandement, l’atelier, l’hôpital, les entrepôts. Les latrines sont placées au sud-est. Les chambrées abritent 8 à 9 hommes. Mais le mur d’Hadrien apparaît comme un aboutissement du génie militaire romain.

Les troupes du mur, 10 à 12 000 hommes, sont composées d’auxiliaires : beaucoup de cavaliers venus des quatre coins de l’Empire qui vont faire souche. Ces unités vont d’ailleurs finir par se recruter en partie sur place. Au fil du temps, de petites agglomérations se développent. Des activités de tissage, de travail du cuir, du bronze, s’installent pour répondre aux besoins des garnisons. Car le mur est aussi une économie qui réclame des denrées alimentaires, des chevaux, des marchandises diverses. Les soldats font souche. Démobilisés, ils épousent des femmes du cru. Le mur devient un lieu de rencontres et d’échanges. Et c’est ainsi que meurent les murs… en devenant des ponts entre les cultures.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire