Contre les violences à l’école : la règle de trois     

par Boris Enet |  publié le 12/04/2024

Éducation, sécurité, santé. Ou comment prendre en charge les élèves violents sans faire fuir les autres

France, Toulouse- Des élèves d'un lycée, d'un collège, dans le hall et dans la cour de récréation- Photographie Adrien Nowak / Hans Lucas

De blâmes en conseils de discipline, de collège en collège, que faire des élèves harceleurs et violents ? L’équation n’est pas simple entre continuité pédagogique, obligation scolaire, convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), mais aussi droits de la majorité des élèves à se rendre en classe sans la peur au ventre. Une fois que le collège voisin a rendu la décision d’exclusion définitive, l’adolescent est réaffecté par la direction des services de l’Éducation nationale. Oui, mais où ?

Autant il existe une assez grande homogénéité européenne pour les mesures judiciaires encourues par les mineurs , autant les systèmes éducatifs restent démunis pour prévenir les récidives dans le cadre scolaire. Équipes de suivi scolaire (ESS), punitions, conciliations, mesures disciplinaires, mesures conservatoires, conseils de discipline… l’éducation nationale aurait-elle tout tenté ? Nul ne saurait s’y résoudre. Encore faut-il accepter un changement de braquet derrière des postures dont le temps est compté.

Dans les établissements en tension, le moindre ajout d’un élève violent peut déstabiliser un équilibre déjà précaire. Lors des conseils de classe, les délégués rapportent eux aussi des conditions de travail détériorées, des empêchements et maux de tête dans le meilleur des cas. Certains adressent des pétitions aux directions d’établissement en les suppliant de bien vouloir agir. Quand une notification médicale existe, justifiant la prise en charge d’un élève par une AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap, profession féminisée à 90 %), nombreuses sont celles qui désespèrent et appellent à l’aide en vain. Des aménagements d’emploi du temps consistent à faire disparaître des cours… faute de mieux.

On peut évidemment évoquer la réalité incontournable du défaut de moyens : peu d’AED (Assistant d’Éducation) et d’AESH malgré leur quintuplement en 20 ans, présence indigente d’APS (Agent de prévention et de sécurité), crise sans précédent de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) et donc de toute politique de prévention. Autant de marqueurs de l’insolubilité actuelle face aux comportements les plus problématiques avec des troubles psychiques parfois non diagnostiqués, faute de suivi parental. Restent les autres, ceux qui ne posent pas de problèmes et se transforment petit à petit en souffre-douleur.

En réalité, il faudrait désormais des personnels à part entière à l’intérieur des établissements, spécialisés dans le suivi de ces élèves, des structures adaptées en forme de sas pour ces derniers souvent victimes d’un parcours de vie, mais devenus bourreaux à leur tour : des sas en capacité de leur apprendre ou réapprendre les usages en société, avec un suivi annuel renouvelable. L’enjeu est de perpétrer un partenariat entre les autorités médicales, d’éducation et de sécurité, pas seulement ponctuel .

Faute d’évolution, le risque réside – comme les dernières enquêtes d’opinion en attestent – dans le départ de familles, n’acceptant plus le sacrifice de leur enfant sur le seul autel de la mixité scolaire qu’on a laissé abîmer.

Boris Enet