COP 28 : en finir avec l’égoïsme des nations

publié le 02/12/2023

En dépit des conflits qui ensanglantent la planète, la conférence de Dubaï peut encore être utile. Par François Hollande

Le président français François Hollande au palais de l'Élysée à Paris, le 11 mai 2017. -Photo JOEL SAGET / AFP

Dans un monde déchiré, fragmenté, bouleversé par deux guerres majeures et tant de conflits régionaux, il peut sembler paradoxal que se tienne une conférence mondiale rassemblant 160 pays, représentés par au moins 120 chefs d’État ou de gouvernements, et qui vont, pendant douze jours, travailler à un accord international.

Certes, Biden et Xi-Jinping n’ont pas fait le voyage de Dubaï, et Poutine a été bien inspiré de ne pas y venir. Il n’empêche, sont présents à la COP 28, pour négocier de bonne ou mauvaise foi, des pays de toutes tailles, de toutes sensibilités, de tous niveaux de développement. Même les autorités religieuses ont décidé de s’y déplacer. Dans cet immense conclave, quelque 80 000 personnes aux intérêts contradictoires, aux attentes antinomiques, délibèrent pour parvenir à un texte dont on peut penser qu’il sera insuffisant, ambigu et même flou. Mais il aura l’immense mérite d’installer dans les esprits deux idées simples.

« Que l’on vive dans une démocratie ou sous une dictature, c’est le même air que l’on respire. »

La première, c’est que la planète est une, et cette unicité appelle son unité d’action, par-delà les régimes politiques, les systèmes économiques, les ambitions personnelles ou impériales. Que l’on vive dans une démocratie ou sous une dictature, c’est le même air que l’on respire. Que l’on ait prélevé effrontément pendant des années, génération après génération, les ressources de la terre ou que l’on y ait à peine touché, les catastrophes s’abattent sur les populations, indifféremment, quelle que soit leur responsabilité.

Que l’on habite près d’un littoral, près d’une montagne, en plein désert, voir au pied d’un glacier, c’est la même menace qui plane, celle du désordre climatique. Inondation pour les uns, sécheresse pour les autres, tsunami, tempête, pluie acide, pour ceux qui sont exposés à tous les vents. Que l’on s’abrite dans des villes ou que l’on se réfugie prudemment dans la nature, c’est la même punition : un inexorable réchauffement. Le multilatéralisme politique est en panne. L’ONU en fournit la déprimante illustration, en Ukraine ou au Proche-Orient. Mais les institutions internationales et les conférences sur les enjeux vitaux (la mer, la santé, la forêt…) peuvent encore agir pour réguler le monde.

La seconde évidence, c’est que la planète se réchauffe bien plus vite que nous ne l’avions nous-mêmes prévu il y a huit ans, lors de la COP 21 que j’accueillais à Paris. D’autant que les engagements pris dans cette conférence et qui lui donnaient sa valeur historique n’ont pas été tenus. Pire, les émissions de CO2 sont restées à un niveau qui ne permettra pas de respecter l’objectif fixé en 2015. Tout indique que la fameuse barre de 1,5 degré Celsius correspondant au réchauffement depuis le début de l’ère industrielle et qui devait être atteinte à la fin du siècle sera franchie dès 2050. C’est pourquoi il y a urgence.

La COP 28 ne sera utile que si les décisions sont prises pour réduire drastiquement la place des énergies fossiles dans le bilan énergétique et sortir au plus vite du charbon. Elle ne réussira que si les dommages causés aux pays les plus pauvres par la prédation des pays les plus riches pendant des décennies sont correctement indemnisés.

« La COP28 est un moment rare : celui où les pays comprennent enfin que le climat ne connaît pas de frontières. »

Elle ne jouera son rôle que si les fonds prévus à Paris sont effectivement dotés des 100 milliards de dollars initialement affichés et si le secteur privé ajoute sa contribution. Elle ne progressera enfin vers la transition que si l’effort en faveur des énergies renouvelables est multiplié par trois et que si la part du nucléaire s’élève au détriment de celle des fossiles.

Bref, la COP 28 n’est pas une trêve. Pendant les débats, les guerres continuent. Mais elle est un moment rare : celui où les pays comprennent enfin que le climat ne connaît pas de frontières, que le nationalisme en cette matière n’a aucun sens, que le protectionnisme est une stupidité et que les peuples qui vivent chacun de leur côté appartiennent à la même humanité.