COP 28 : le chœur des pisse-froid

par Laurent Joffrin |  publié le 13/12/2023

Des voix soi-disant lucides dénigrent l’accord de Dubaï. A force de tout déprécier, on finit par décourager tout le monde.

Laurent Joffrin

Évidemment, les zélotes, les purs et durs, les inflexibles, trouvent tout cela dérisoire. Jamais contents… Une conférence internationale rassemblant 200 nations réussit à se mettre d’accord sur une formulation alambiquée qui sous-entend que la planète se dirige vers une sortie des énergies fossiles ? Paroles, paroles ! dit-on. Promesses de gascons, engagements bidons !

Pourtant le texte adopté par la COP 28 est au sens propre « historique ». Pour la première fois, des gouvernements disparates, des régimes bigarrés, des nations aux intérêts par nature opposés, signent le même manifeste qui reconnaît l’urgence de la situation climatique et convergent sur un bouleversement progressif mais radical des modes de production mondiaux, pour réduire la part des énergies carbonées.

Ce n’est pas contraignant ? Eh oui, banane ! La COP n’est pas un gouvernement mondial qui pourrait dicter leur politique aux États souverains. La République universelle d’Emmanuel Kant n’a pas encore vu le jour, en effet. La résolution de la COP lance un mot d’ordre général, une culture commune de l’impératif écologique, une reconnaissance mondiale de la nécessité d’une transition énergétique. Elle n’a aucun pouvoir de coercition. On le sait depuis toujours. Pourtant l’accord de Paris signé en 2015, pas plus contraignant que celui de 2023, sert aujourd’hui de référence mondiale.

Certains pays adhèrent faussement, jouent les Tartuffe, laissent dire et n’en pensent pas moins ? Évidemment ! Mais ils doivent se soumettre au discours ambiant. « L’hypocrisie, disait La Rochefoucauld, est un hommage que le vice rend à la vertu ». Ceux qui font semblant, par définition, admettent qu’ils sont du côté du vice. N’est-ce pas un point de gagné ? Au fil des ans, au fur et à mesure que les dérèglements climatiques se manifesteront, ils devront rendre des comptes. Pour les énergies fossiles, comme disait Churchill en 1942 à propos de la victoire d’El Alamein : « Ce n’est pas la fin, ce n’est pas le commencement de la fin, c’est la fin du commencement ».

La conférence, dit-on, a été organisée par un pays pétrolier : horreur ! Certes, les émirats du Golfe ont tout fait pour freiner les ardeurs des rédacteurs du projet de résolution. Pas vraiment une surprise. Ces pays ne doivent leur prospérité et leur importance géopolitique qu’au pétrole. Ils rechignent à se priver de cet atout majeur et veulent prendre le temps d’accumuler des réserves financières pour changer à terme de modèle de développement. La France serait-elle prête à abandonner d’un coup Airbus, Renault, ses vins de Bordeaux ou ses maisons de luxe ? Facile de donner des leçons. À tout prendre, fallait-il les exclure de la COP ou bien les embarquer dans la négociation ? On peut même avancer que c’est précisément leur statut d’État pétrolier qui leur a permis de faire accepter le texte final aux autres pays pollueurs.

La vigilance climatique est précieuse, élémentaire. La sinistrose écologique n’avance à rien. Si l’on ne salue pas les progrès, seraient-ils mineurs, on finit par lasser. Déjà la droite et l’extrême-droite s’emparent des contraintes annoncées pour en faire des thèmes de campagne, fustigent « l’écologie punitive » pour refuser l’écologie tout court. Aux Pays-Bas, cette tactique a mené Gert Wilders au pouvoir. Trump en fait un axe de sa maléfique campagne. Faut-il se lamenter sans cesse en montrant, en roulant des yeux, l’ampleur des sacrifices nécessaires, tout en disant qu’ils resteront vains ? Ou bien montrer les progrès accomplis et se réjouir quand, dans un monde de plus en plus fracturé, affligé par les guerres et les conflits, les nations de la planète trouve un terrain d’entente ? Il y a là deux philosophies de l’action. Optimiste, la deuxième ne garantit rien. Mais la première, à coup sûr, nous envoie dans le mur.

Laurent Joffrin