COP28 : l’étonnant retour du nucléaire

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 09/12/2023

Parmi les surprises de la conférence de Dubaï, un plaidoyer occidental pour le nucléaire. Peut-être le seul antidote au charbon pour la production d’électricité de base

Un manifestant tient une pancarte sur laquelle on peut lire "Le nucléaire, c'est zéro carbone, quel est votre problème ? Construisons et prolongeons !" lors d'une manifestation pour le climat, à Bruxelles, le 3 décembre 2023. La 28e conférence des Nations unies sur le changement climatique, plus communément appelée COP28, a débuté le 30 novembre 2023 à Dubaï - Photographie Valeria Mongelli / Hans Lucas

À la COP 28, après les annonces positives sur la mise en place du Fonds « pertes et dommages », pour indemniser les pays les plus pauvres des effets du changement climatique, on savait qu’au pays de l’or noir, le débat ne manquerait pas de porter sur la question très sensible des énergies fossiles, pétrole, gaz, charbon. 

Le développement massif des énergies renouvelables était à l’ordre du jour avec des objectifs ambitieux, tel le triplement des capacités. Un objectif soutenu par plus de 120 pays, qui fera sans doute partie de la déclaration finale. L’Afrique est même allée plus loin en adoptant lors de sa conférence des chefs d’État à Nairobi en septembre dernier l’objectif de passer de à une production de 56 gigawatts à 300 d’ici 2030, presque un quintuplement. Il est vrai que le continent part de peu, mais la volonté est là.

Mais la surprise est venue, du retour étonnant du nucléaire sur la scène. Il ne pouvait bien entendu pas être absent des COP précédentes. Sans être au centre des débats et des négociations ne serait-ce que parce qu’il est sujet de polémiques, notamment chez les écologistes, ou plus simplement parce que de nombreux pays ne disposent pas de centrales nucléaires ou y ont renoncé du fait de ses dangers, craints ou avérés.

Dès le troisième jour, c’est en fanfare que John Kerry, l’émissaire américain pour le climat, a solennellement lancé un appel remettant en scène le nucléaire et proposant, d’ici 2050, un triplement de ses capacités de production énergétique par rapport à 2020.


Une exhortation lancée conjointement par vingt-trois pays, dont les États-Unis, les Émirats arabes unis, hôte de la COP, la France – ce qui est cohérent avec ses projets – mais aussi le Canada, le Royaume-Uni, de nombreux pays européens et asiatiques- Corée du Sud, Japon, Mongolie-  voire africains, Ghana, Maroc .

L’absence de la Chine et de la Russie saute aux yeux. Alors même qu’ils sont les plus importants constructeurs de centrales nucléaires à ce jour. Rien de surprenant pourtant. Les deux puissances, du fait de la recomposition géopolitique actuelle, ne veulent pas apparaitre céder aux « diktats » énergétiques de l’Occident. Pas plus qu’elles ne souhaitent accepter des contraintes dans leur mix énergétique qui contrarieraient leurs perspectives de développement. La Chine, encore grande utilisatrice de charbon et donc forte émettrice de gaz à effet de serre.

Cette relance haut et fort du nucléaire apparait comme une contre-offensive délibérée de l’Occident, auquel appartiennent l’essentiel des pays signataires de l’appel. Le but est de contrer le développement accru du charbon, qui constitue aujourd’hui plus de 40 % du mix énergétique mondial et assure environ le tiers de la production d’électricité.

Le nucléaire, plus que le pétrole ou le gaz ou même les énergies renouvelables, est le seul vrai concurrent du charbon pour la production de l’électricité « de base », assurant la production « normale » d’un pays hors phénomènes de pointe. Et l’on sait la différence considérable en matière d’émissions de CO2 existant entre le nucléaire et le charbon.

Jean-Paul de Gaudemar

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