Culture : la bombe sale du RN

par Jérôme Clément |  publié le 14/06/2024

La dissolution et les perspectives d’un gouvernement d’extrême-droite produisent déjà des effets pour la culture et l’audiovisuel

Geste de la main d un depute Rassemblement National, RN qui critique le ministre de la Culture sur le traitement de l information par l AFP- Photo Xose Bouzas / Hans Lucas

Le premier résultat est d’envoyer à la poubelle le projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel. Adieu fusion du service public de la radio et de la télévision. On ne s’en plaindra pas, mais un danger succédant à un autre, l’heure est désormais à la menace de privatisation, annoncée urbi et orbi par les responsables du Rassemblement National. Quand celle-ci aura-t-elle lieu ? Sans doute en 2025, une des priorités de l’extrême droite, après le vote du budget à l’automne, si celle-ci dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Mais précisément, la redevance pour l’audiovisuel ayant été supprimée, le budget de Radio France et de France Télévisions dépend désormais du seul budget de l’État : c’est pour cette raison qu’il y avait une telle opposition à la suppression de la redevance sans remplacement par un financement sécurisé. C’était l’un des objets (positif, celui-là) du projet de loi soumis au Parlement. Le RN ne se privera sûrement pas de réduire les moyens du secteur public, pour réaliser des économies, bien entendu. Grande menace donc pour la première radio de France et l’un des plus grands groupes de télévision de service public en Europe, nous voici bientôt à l’heure polonaise ou hongroise.

Quant à la culture, on peut craindre le pire pour un secteur réputé à gauche, et qui, par définition, est critique, libre et audacieux. Création ne rime pas avec mise au pas et les artistes auront pour modèle le Puy-du-Fou, Philippe de Villiers et l’identité régionale et nationale, dehors les étrangers ! Ce sera plus difficile, compte tenu du poids des collectivités locales dans le secteur, et de la résistance qui va s’organiser. Mais l’État dispose d’un poids non négligeable dans les spectacles, théâtre et cinéma en particulier, arts plastiques et patrimoine, livres, etc., et distribue d’innombrables subventions. Comme en Italie, où Giorgia Meloni, chef du gouvernement, l’a parfaitement compris et a mis en œuvre les thèses de Gramsci et sa théorie de l’hégémonie culturelle. Semaine après semaine, les responsables sont changés et les autres reçoivent de nouvelles instructions politiques…

Allons, l’extrême droite n’a pas encore gagné ! On mesure le combat à mener. C’est l’un des enjeux du scrutin pour les artistes, le public et nos libertés de créer, de se cultiver, de penser.

Jérôme Clément

Editorialiste culture