Curieux défenseurs de la paix
Demander un cessez-le-feu immédiat ? Cela se comprend. Mais, de toute évidence, d’autres idées se cachent derrière ces discours d’apaisement.
Parlons franc : il y a décidément quelque chose de louche dans les défilés, en France et ailleurs, qui exigent un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Certes beaucoup s’y rendent de bonne foi, indignés par l’ampleur des pertes civiles causées par l’opération israélienne. La demande d’une « pause humanitaire » – qui implique un cessez-le-feu au moins temporaire – est d’ailleurs celle de la France et même celle des États-Unis.
Mais les images et les reportages qui rendent compte de ces manifestations nous montrent aussi autre chose. À Londres, on voit un manifestant qui porte une pancarte qualifiant le Hamas d’organisation terroriste expulsé manu militari du cortège. Serait-ce donc un cortège pro-Hamas ? À Paris, un réfugié venant d’Égypte, accueilli par la France, nie à Israël tout « droit à se défendre » et explique qu’il faut libérer toute la Palestine de la présence juive grâce à la « résistance » du Hamas, propos applaudis par une partie de l’assistance. Aux États-Unis, où les cortèges rassemblent de larges foules, certains orateurs refusent de condamner l’attaque du 7 octobre et se réfèrent eux aussi à une Palestine entièrement « libérée », ce qui implique la disparition de l’État d’Israël.
À ces positions extrêmes, Jean-Luc Mélenchon a apporté comme toujours son grain de sel – ou sa goutte d’acide. Mécontent de la couverture de la manifestation par Libération et BFM, il met en cause leur « propriétaire » qui aurait en quelque sorte imposé ses vues à ces deux médias pour les obliger à sous-estimer le nombre des manifestants (comme on sait, les chiffres donnés par LFI ou par la CGT en matière de défilés sont toujours d’une exactitude exemplaire…). Or il se trouve que ce « propriétaire » est Patrick Drahi, Français juif, que Mélenchon désigne à la vindicte sans apporter le moindre élément à l’appui de sa thèse. Ainsi Mélenchon convoque, en toute connaissance de cause, un cliché éculé de l’antisémitisme : le contrôle des médias par les Juifs, qui exerceraient par ce truchement leur emprise sur les esprits. Décidément, LFI élève le débat…
Telle est l’ambiguïté des manifestations propalestiniennes de ces derniers jours. Il est parfaitement légitime de défendre les droits des Palestiniens à un État, de dénoncer les pertes humaines causées par les bombardements incessants sur Gaza et de critiquer la politique générale du gouvernement Netanyahou. Mais les positions adoptées par une partie de ces manifestants, qui reviennent à légitimer l’attaque du 7 octobre et à appeler à la destruction d’Israël, tendent à discréditer le discours de paix officiellement tenu par les organisateurs, quand bien même seraient-ils de bonne foi.