Dante, le moderne
Mort il y a 700 ans Dante est d’une extraordinaire modernité. C’est ce que fait ressortir le livre d’Emmanuel Godo (*)
D’abord il y a la forme. Dante a le premier écrit son œuvre en langue vernaculaire et non en latin. Il fut à ce titre le premier grand écrivain de la littérature italienne. La puissance visuelle du Chants de la Divine Comedie explique l’incroyable postérité du poème. Car il s’agit d’abord de poésie, j’allais dire de poésie « surréaliste ». On notera que le voyage en Enfer de Dante sera piloté de bout en bout par Virgile. Maitre du symbolisme clair-obscur, Dante a inventé le « langage visible » dont vont s’inspirer tous les artistes des siècles durant. Difficile de ne pas penser à Dante en lisant T.S. Eliot, Brecht ou Borges. Difficile aussi de ne pas penser au romantisme quand il décrit Béatrice.
D’autant que ses textes (le Banquet, la Monarchie, la Divine comédie) intègrent un vaste ensemble de connaissances, antiques et médiévales, philosophiques et psychologiques et sociales qui annoncent à la fois la Renaissance et les Lumières.
Car Dante fut à l’origine de réflexions prophétiques sur l’unité de l’humanité (opposé à l’unité de la chrétienté) sur le cosmopolitisme, la haine des guerres civiles, la nécessaire séparation des pouvoirs en particulier entre le religieux (la papauté) et le temporel. L’écrivain fut d’ailleurs mis à l’index, condamné à mort et exilé de Florence en 1302. A ce titre Dante fut le précurseur des « spectateurs engagés » cher à Raymond Aron. Adepte du libre arbitre et pourfendeur de la corruption il ne pouvait qu’être insupportable aux puissants.
« Abandonnez toute espérance, vous qui entrez » : les damnés sont accueillis par cette phrase à la porte de l’Enfer. Et pourtant c’est un message d’espérance qui ressort de la Divine Comédie. Pour Dante chaque homme porte le monde et a le devoir d’y refléter « la lumière idéale ». Car ce qu’il nous montre c’est la voix qui mène du Moyen age à l’humanisme. Celle qui part d’une « forêt obscure » pour « sortir sous les étoiles ».
(*) Emmanuel Godo, Ton âme est un chemin, Éditions Artège.