Dark Romance : les jeunes préfèrent l’interdit
Morose et orageux, le Festival du livre cette année. Entre Bolloré qui pousse la porte et les jeunes lecteurs qui la claquent, l’écriture tremble
L’ambiance cette année au Festival du livre (ex-Salon du livre) est orageuse. Les bouleversements introduits par la reprise du groupe Hachette par Bolloré n’ont pas fini de faire des vagues. L’arrivée aux éditions Mazarine de Lise Boëll, éditrice d’Éric Zemmour comme de Fabrice d’Almeida, les rivalités internes provoquées par le départ d’Isabelle Saporta (pourtant soutenue par Nicolas Sarkozy) des éditions Fayard, les rumeurs d’autobiographie de Jordan Bardella sont pour l’instant les effets les plus visibles du changement d’actionnaire. Les autres grandes maisons traditionnelles du groupe se retrouvent-elles aussi menacées par les « cost killers » (« tueurs de dépenses », envoyés par le nouveau maître pour pousser vers la porte les récalcitrants, trop indépendants. Ambiance.
C’est dans ce contexte que le Centre national du livre a publié le 9 avril, les résultats de son étude « les jeunes Français et la lecture » et publié un communiqué sur le décrochage préoccupant de la lecture chez les jeunes. Un jeune de 16 à 19 ans sur trois ne lit pas du tout dans le cadre de ses loisirs. Quotidiennement, les jeunes passent dix fois plus de temps sur les écrans qu’à lire des livres (19 minutes par jour). Quand ils lisent pour leur plaisir, ils se tournent prioritairement vers les BD et les mangas.
Près de la moitié lisent désormais un livre numérique majoritairement sur smartphone. Ce sont toujours les filles de 16 à 19 ans qui lisent le plus : 17 minutes par jour contre 7 pour les garçons. Ces derniers passent trois heures sur les écrans. Lorsqu’ils lisent, ils font d’autres choses en même temps. Seuls les romans sentimentaux sont en hausse ainsi que la « Dark Romance ».
Évidemment, ces chiffres sont préoccupants, même si en valeur absolue 80 % de la tranche d’âge considérée continuent à lire dans le cadre des loisirs. Mais l’on voit bien que l’envie de lecture se dégrade. « La pensée se forme dans la bouche » disait l’écrivain Tristan Tzara, c’est-à-dire par les mots, ceux que l’on apprend en lisant, seul ou avec ses professeurs et ses parents, et non en passant son temps sur les réseaux sociaux, désastreux pour la concentration. La prise de conscience est générale aujourd’hui.
Oui, il y a urgence. Même si malgré ces chiffres alarmants sur la jeunesse, aucune autre pratique culturelle n’est aussi répandue que la lecture. L’enjeu de demain ? La (ré)-éducation des enfants, encore et toujours…