Darwin était-il fou?

par Thierry Gandillot |  publié le 28/06/2024

Le mystère du dernier voyage de Charles Darwin, créateur de la théorie évolutionniste. Fascinant

D.R

Robert Darwin, le père, voulait que son rejeton soit médecin, comme lui. Bon fils, Charles s’inscrit à la faculté de médecine d’Édimbourg. Mais il n’a pas la fibre médicale et la chirurgie le dégoûte. Robert, assez mécontent, le propulse en Théologie au Christ’s College de Cambridge dans l’espoir d’en faire un pasteur anglican. Las ! Le jeune homme n’a pas la vocation.

En revanche, il y a un truc qui le titille : l’histoire naturelle. Il est membre de la Société Plinienne, se frotte à la théorie de l’évolution de Lamarck, affirme que les spores noires découvertes par lui sur des coquilles d’huître sont des œufs de sangsue et commence une collection de coléoptères. Bref, le jeune Charles est sur le qui-vive quand il apprend que le navire d’exploration, HMS Beagle s’apprête à quitter Plymouth pour un tour du monde d’au moins trois ans.

Le jeune homme se fait admettre à bord par le commandant FitzRoy, un peu raide d’allure mais d’esprit assez ouvert finalement. FitzRoy explique à Charles, un peu interloqué, qu’il le recrute en tant que « gentleman de conversation ». Le but ? Empêcher qu’il sombre dans la dépression qui menace les marins dans les parages hostiles de la Patagonie et du Cap Horn. Dépression qui a poussé son prédécesseur à la tête du Beagle à se suicider après avoir sombré dans la folie. Le prix du voyage est fixé à 500 guinées. Par bonheur, Robert, quoique fort marri de voir son fils s’embarquer dans une aventure qu’il juge aussi périlleuse qu’inutile, lui allonge la somme. 

Comme on le sait, le périple de Charles Darwin fut loin d’être inutile. Mais sait-on vraiment tout de ce voyage ? Le romancier Michel Moatti, déjà repéré pour Retour à Whitechapel – où il donnait sa propre version de Jack l’Éventreur -, s’est faufilé à bord pour nous rapporter LA véritable version de ce mémorable voyage du Beagle. Et ça secoue au moins autant que dans les Quarantième rugissants.

 A bord, Darwin est malade comme un chien. Il n’est pas seulement victime du mal de mer. Non, il souffre d’un mal plus violent, plus insidieux, sournois, qui lui fait alterner les périodes de folie pures en mer et les moments de grande lucidité à terre où il collecte, répertorie, et analyse des milliers de fossiles qu’il expédie à chaque escale à Londres.

Darwin était-il fou ? Est-ce cette déraison qui lui a permis d’accoucher de la théorie la plus scandaleuse du 19ème siècle ?  Telles sont les questions qui hantent ce roman, puisé aux meilleurs sources. Certaines parfaitement authentiques comme le Récit des voyages d’arpentage des navires de Sa Majesté Adventure et Beagle entre les années 1826 et 1836, de FitzRoy, Le Journal du Beagle ou les Beagle Letters de Charles Darwin publiées par Cambridge University Press. Mais Moatti y ajoute un mystérieux « Cahier C », opportunément découvert en 2022 dans un sac de couleur en plastique rose dans un recoin du Trinity College de Cambridge dont l’existence était inconnue des spécialistes. Et dont la teneur est rien moins qu’explosive ! Où l’on découvre que la féroce bataille du religieux et de la science avait déjà commencé au large du Cap Horn… »     

Darwin, le dernier chapitre,de Michel Moatti, Éditions Hervé Chopin, 460 pages, 21 euros

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture