De Kharkov à Kharkiv, l’éternelle bataille

par Pierre Feydel |  publié le 13/05/2024

L’offensive russe sur la seconde ville d’Ukraine n’est pas inédite. La cité a toujours été un enjeu stratégique, surtout pendant la Seconde Guerre mondiale

KHARKIV, UKRAINE : Des membres de la 3e brigade de chars de fer dans les régions proches de la ligne de front à Kharkiv, en Ukraine - Photo Adri Salido / ANADOLU

Première bataille ! Kharkov, son nom russe, est un nœud de communication. La ville relie l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud de l’Ukraine. Elle permet de gagner les régions centrales de Russie. Dès le début de l’Opération Barbarossa, l’attaque de l’Union soviétique par les forces allemandes le 22 juin 1941, elle devient un objectif majeur. C’est une base stratégique de l’Armée rouge et un centre industriel d’importance. On y fabrique des chars T34, des tracteurs d’artillerie ,  des mortiers de 82 mm et des rrmes légères. Elle possède une usine aéronautique et une usine de turbines. On y trouve aussi les plus importants stocks d’essence du pays. Le 21 octobre 1941, les usines ont évacué leurs équipements. 320 trains ont quitté la ville. Le 24 la ville est prise.

Deuxième bataille ! Le 12 mai 1942, L’Armée rouge sous les ordres du maréchal Timochenko lance une offensive contre la 6ème armée allemande. Elle échoue. Une contre-attaque en tenaille de la Wehrmacht coupe les forces soviétiques avancées de leur arrière. La sous- estimation des forces ennemies a été fatale aux assaillants.

Troisième bataille ! Après la défaite de Stalingrad en février 1943, les forces de l’axe sont très affaiblies. L’armée rouge a repris Kharkov. Ses soldats avancent, mais ils ont en face d’eux un tacticien hors pair, le maréchal Von Manstein, qui leur tend un piège. D’abord, il cède, recule. Puis, brutalement il attaque, charge vers le nord le flanc russe. Les généraux soviétiques sont désorientés et, le 6 mars, leurs blindés se retrouvent encerclés. Les Allemands ont aussi mis les divisions russes en déroute vers le Sud. L’Armée rouge perd 70 000 hommes. Les pertes allemandes sont aussi sévères. Les SS sont entrés dans Kharkov. Mais dans les combats de rue, ils ont perdu 44% de leurs effectifs fin mars.

Quatrième bataille ! La bataille de Koursk, le plus grand affrontement de chars de l’histoire, s’engage le 5 juillet 1943. Elle va durer 50 jours. Le haut commandement de la Wehrmacht engage l’opération Citadelle : 900 000 hommes, 50 divisions, dont 19 blindés, 2000 avions, 2700 chars, 10 000 canons. En face, 2 000 000 de soldats de l’Armée rouge, 3300 chars, 19 300 canons et d’énormes réserves. Les Soviétiques vont résister puis contre attaquer. Leurs pertes seront effroyables (1,2 million d’hommes mis hors de combat), six fois supérieures à celles des Allemands. Cette défaite sera suivie, après les derniers combats pour Kharkov en août 1943, de la libération de la ville.

Bilan : la ville est quasiment rasée, les dégâts sont considérables, la population a beaucoup souffert. Au début de la guerre, la cité compte un million d’habitants. À la fin des combats, il en reste à peine un peu plus de 300 000. Kharkov a changé quatre fois de mains. Les nazis n’ont pas fait de quartier. Les civils supposés être des partisans sont pendus. 16 000 juifs ont été éliminés. En 1943, la division Leibstandarte SS Adolf Hitler a massacré des centaines de milliers de blessés dans les hôpitaux. 30 000 habitants sont morts et 80 000 autres meurent de faim ou se sont réfugiés dans la campagne environnante.

Cinquième bataille ? Quatre-vingts ans plus tard, Kharkov devenue Kharkiv, son nom ukrainien, fait face à une offensive, russe cette fois, qui risque d’amener la bataille au cœur d’une cité qui souffre à nouveau, plongée dans le chaos de la guerre.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire