De Kiev à Munich

par Bernard Attali |  publié le 30/09/2023

Vous l’entendez cette petite musique sournoise ? Il faut négocier avec Poutine ! Vous entendez ? Disons les choses franchement : elle nous rappelle Munich

Arrêtons le déni. Nous sommes entrés dans un conflit mondial. Les États-Unis et leurs alliés ne peuvent plus reculer : ce serait perdre toute crédibilité. La faiblesse est une matière inflammable.


La Russie vient d’accroitre de 70 % son budget militaire et s’est engagée dans un conflit contre les valeurs occidentales. Des pays baltes au Caucase, elle impose sa pression. La Chine, après Hong Kong, menace immédiatement Taiwan et les îles du Pacifique Sud. L’Iran va disposer de l’arme nucléaire. Imaginer qu’Israël restera immobile devant un risque aussi total c’est prendre ses rêves pour des réalités.

Face à ces poudrières, la neutralité goguenarde des pays émergents, de l’Indo-pacifique à l’Afrique en passant par les pays arabes, est éloquente : l’Occident paie aujourd’hui des décennies d’égoïsme.


Tout ceci est aggravé par un contexte global qui excite la violence. Le retour de la faim dans le monde, l’intensification des flux de réfugiés, la crise climatique et son cortège de catastrophes, la rareté hydrique, la concurrence pour la recherche de minerais, la montée du protectionnisme…


Mais comment ne pas reconnaitre nos aveuglements passés ? Nous avons laissé un dictateur sanguinaire martyriser la Syrie, nous avons fermé les yeux devant l’agression russe en Transnistrie, en Tchétchénie et en Crimée, nous avons encouragé nos élites à flirter avec la Chine, nous avons accepté les chantages de la Turquie, nous avons partout laissé piétiner les droits de l’homme… Et il faudrait maintenant négocier avec Poutine ?

La guerre en Ukraine n’est qu’un banc d’essai, comme le fut la guerre d’Espagne avant la Deuxième Guerre mondiale. Il serait temps de réagir vraiment. « Toutes les défaites s’expliquent en deux mots, disait un grand général : trop tard ! »

Bernard Attali

Editorialiste