De Lima à Rio, un boulevard pour la Chine

publié le 18/11/2024

Deux sommets, celui de l’Asie-Pacifique et le G20, un seul bénéficiaire : Pékin. Et au passage, un avertissement pour Donald Trump.

PAR PIERRE BENOIT

A tout premier plan, le président chinois Xi Jinping et la présidente péruvienne Dina Boluarte participent à une photo de famille lors du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à Lima, au Pérou, le 16 novembre 2024. En arrière plan, le président américain Joe Biden (en haut au centre). ( Photo de SAUL LOEB / AFP)

Samedi 16 novembre, fin du Sommet Asie-Pacifique (APEC) à Lima. Sur la photo de famille, le Président Xi Jinping et son homologue péruvienne, Dina Boluarte Zegarra sont au premier plan, Joe Biden apparait au second rang parmi d’autres chefs d’état. De la réunion de Lima on retiendra ce cliché avec un président américain à l’arrière-plan et cette petite phrase de Xi Jinping assurant à Joe Biden que son pays était disposé à travailler à « une transition en douceur avec l’administration républicaine ». Le conseil, à l’évidence, sonnait comme un avertissement en direction de Donald Trump qui prendra ses fonctions en janvier : « restons calme et tout va bien se passer ».

A Lima, Xi Jinping a aussi plaidé pour une coexistence pacifique à long terme entre les deux pays. Tel est le second message adressé par la Chine à Donald Trump qui, pendant sa campagne, a menacé de taxer jusqu’à 60% les importations chinoises aux Etats-Unis. C’est donc la seconde ligne rouge qui apparait ici l’air de rien. Le dirigeant chinois n’a pas oublié la dégradation complète des relations sino-américaines lors du premier mandat de Trump.

Après Lima, on est passé à Rio, avec l’ouverture lundi du Sommet du G20 : encore une fois la Chine, mais aussi la Russie, l’Inde et deux organismes régionaux, l’Union Européenne et l’Union Africaine. Au total, un ensemble de pays pesant plus de 80% du PIB mondial. L’APEC, aujourd’hui surveillé de près par la Chine, s’organise selon un axe est-ouest centré autour du Pacifique, le G20 ressemble davantage à un « pont » entre les pays développés et le Sud global.

A Rio, la perspective d’un accord de l’Europe avec Mercosur va beaucoup occuper les délégations européennes car l’ouverture des marchés est un sujet sensible pour nombre pays du nord comme l’atteste la mobilisation des agriculteurs. Mais le Mercosur n’est pas le seul point de clivage. Les inconnues liées à l’arrivée de Trump au pouvoir planent sur la réunion.

Comme la Chine, le Brésil du Président Lula redoute que Washington n’impose une augmentation des tarifs douaniers qui frapperaient les exportations d’acier et d’aluminium brésiliens. Dans cette hypothèse, le Brésil pourrait demain se tourner vers Pékin. A l’issue du G20, Xi Jinping restera au Brésil pour une visite d’état. Il n’est pas impossible qu’il offre une porte de sortie au Président brésilien en lui proposant d’embarquer avec lui sur « les nouvelles routes de la soie ». Désormais, géoéconomie et géopolitique ne font plus qu’un.

Le Brésil, comme d’autres pays du sud (l’Inde, l’Afrique du sud) cherche sa place dans le monde nouveau qui émerge dans cette première moitié du siècle. Ce n’est pas une simple évolution, mais un basculement : la Chine consolide ses relations avec les poids lourds du « sud global » et ces pays creusent d’autant leur distance avec le monde occidental. De Lima à Rio, les prémisses de l’ère Trump se dessinent déjà. Le Brésil apparait comme un état pivot, une articulation stratégique dans ces nouveaux équilibres.