Décor monumental et organisation colossale

par Pierre Feydel |  publié le 11/07/2024

L’appareil d’État nazi est tout entier mobilisé pour que les jeux soient une formidable vitrine du régime. Rien n’est laissé au hasard.

Berlin, Hitler during the opening of the 1936 Olympic Games 1936 Germany Library of Congress. Washington (Photo by Archives Snark / Archives Snark / Photo12 via AFP)

Les jeux d’hiver à Garmisch-Partenkirchen, à partir du 6 février 1936, vont servir aux Nazis de répétition générale. Ils vont pouvoir y tester leur cérémonial olympique et y présenter une Allemagne pacifique, « gemütlich », autrement dit aimable, accueillante. Et ça marche. Dans le journal sportif L’Auto, Roland Perrier se félicite que « le sport se trouve en Allemagne à la base même de l’enseignement physique et moral de la race ». La flagornerie des milieux sportifs français, mais pas seulement, à l’égard du régime nazi, impressionne. À Berlin, on se frotte les mains. Bien sûr, pendant ce temps, les violences antisémites se poursuivent. Et les autorités sportives allemandes ont soigneusement purgé leur équipe olympique de tout non-aryen.

Les jeux d’été vont être très soigneusement et remarquablement organisés par les Nazis.  La composition du comité d’organisation montre d’ailleurs à quel point l’État national-socialiste suit l’affaire de prés. Hauts dignitaires de la police et de l’Armée y abondent. Première tâche, la construction des installations sportives : Hitler les veut grandioses. Une occasion aussi de mettre au travail les 4 millions dc chômeurs. L’architecte Walther March est chargé de construire un stade de 100 000 places. L’arène olympique s’inscrit dans un complexe architectural orné de statues monumentales d’Arno Becker et Joseph Thorak :  des porteurs de torches, des colosses aux torses nus, une humanité musculeuse de pierre et de bronze, virilisée à outrance, le modèle du surhomme aryen.

« Le relais de la flamme olympique du site d’Olympie en Grèce jusqu’à Berlin est une formidable opération de propagande pour le Reich, qui se présente comme le successeur des jeux antiques »

Onze sites sont construits ou aménagés pour accueillir les compétitions. Du stade de plein-air Dietrich Eckart pour la gymnastique au centre nautique de Grünau pour l’aviron et la canoë -kayak, en passant par le stade nautique pour la natation, le plongeon ou le waterpolo, ou encore le vélodrome pour le cyclisme sur piste. Richard Strauss est prié de concocter un hymne spécifique.  Le village olympique comprend une salle de cinéma, de théâtre, de music-hall. Mais la Gestapo exerce une surveillance étroite sur les athlètes.

Carl Diem, secrétaire du Comité d’organisation des JO, va être à l’origine d’une innovation de taille. C’est lui qui imagine le relais de la flamme olympique du site d’Olympie en Grèce jusqu’à Berlin. Un parcours de plus de 3 000 kilomètres le long duquel se relaient 3 300 athlètes. Une formidable opération de propagande pour le Reich, qui se présente comme le successeur des jeux antiques. Pierre de Coubertin est enthousiaste. Les autorités olympiques et allemandes se félicitent réciproquement à grand coups de phrases ronflantes.

Mais Joseph Goebbels, le maître de la propagande nazie,  à un autre objectif que d’étendre encore la renommée et l’influence de la nouvelle Allemagne. Il veut à tout prix convaincre le monde qu’elle est une puissance pacifique. Pour accréditer cette fable, il invite à la veille de l’ouverture des jeux 1200 journalistes à un diner. Et il leur assure : « L’Allemagne ne nourrit que des intentions paisibles. Je vous demande de reproduire vos impressions sur le national-socialisme, sans préjugés, dans un esprit vraiment olympique. » La plupart suivront ce conseil.


Toute la série :
1. Olympisme et nazisme, des affinités
2. Le boycott des jeux n’aura pas lieu
3. Décor monumental et organisation colossale
4. Un noir américain défie la race des seigneurs
5. Derrière le sport, la marche vers la guerre

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire