Déjouer le piège de Mélenchon

publié le 28/06/2024

En désignant une ou un représentant du Nouveau Front Populaire qui ne soit pas Mélenchon avant le 7 juillet, la gauche améliorerait son score, et ses chances de faire barrage au RN

Françoise Longy - D.R

Après avoir déjoué le piège de Macron, il reste à déjouer celui de Mélenchon. Macron espérait obliger les électeurs à voter pour lui, Mélenchon espère s’imposer comme le leader du Nouveau Front Populaire en se faisant adouber par les députés de LFI au soir du deuxième tour. Le piège est procédural. Au lieu de faire élire le Premier ou la Première ministrable du NFP au soir du deuxième tour par l’ensemble des députés NFP nouvellement élus, comme l’a proposé Olivier Faure, Mélenchon défend l’idée, par la voix de ses lieutenants, que la décision devra revenir à la composante majoritaire, c’est-à-dire à LFI selon toute probabilité.

Le piège de Mélenchon vise une partie du NFP, mais il atteint la gauche tout entière en favorisant le succès du RN. Il opère d’abord entre les deux tours. Repoussoir pour beaucoup d’électeurs, l’image d’un Mélenchon régnant sur la gauche augmente significativement la probabilité pour tout candidat RN d’être élu face à un candidat du NFP, comme divers sondages le montrent. Mélenchon semble d’ailleurs vouloir renforcer ce phénomène en se prodiguant désormais sur les plateaux télé comme le futur Premier ministrable de la gauche, ou en proposant pour le poste ses porte-voix, Bompard, Panot ou Coquerel.

Le but de cette dernière manœuvre est d’éviter que trop de non-LFIstes soient élus, comme l’explique Joffrin dans son éditorial du 23 juin. Moins de députés NFP, mais une plus grande proportion de LFIstes en son sein, voilà l’objectif.

Ensuite, après le second tour, l’accès du RN au pouvoir sera facilité si Mélenchon se place au centre du jeu. Comme la chance que le NFP puisse gouverner seul est à peu près nulle, la place de Premier ministrable est en réalité une place de Premier représentant, à qui il reviendra de fixer la ligne à suivre et de déterminer les alliances possibles avec les autres partis. Or, Mélenchon est hostile à l’idée de faire barrage au RN en bâtissant une large coalition. Entre laisser le NFP entrer, totalement ou en partie, dans une coalition qui le marginaliserait ou bien garder son emprise sur la gauche en laissant le pouvoir au RN, le choix de Mélenchon laisse malheureusement peu de doutes.

Comme le prouvent ses reniements quant à sa retraite annoncée et sa gestion sans états d’âme de LFI (dont un des derniers faits d’armes a été de remplacer de vieux compagnons dont la fidélité n’était pas totalement assurée par des suivistes inconditionnels), il n’est pas homme à vouloir s’effacer et passer la main.

Est-il possible de déjouer le piège de Mélenchon?  Peut-être, si l’on clarifie la situation avant le 7 juillet. Imaginons que l’ensemble des candidats du NFP ayant passé 1er tour votent avant le 2e tour pour la tête du NFP. Leur choix ne se porterait sans doute pas sur Mélenchon. Aussi, organiser un vote entre les deux tours permettrait de montrer que, malgré les airs qu’il se donne, le roi est nu.

La meilleure option à cet égard serait sans doute d’avoir seulement deux choix offerts, d’une part, Mélenchon dont la candidature est déjà sur la table, et un représentant de la gauche capable d’obtenir un large soutien. Comme candidats possibles, on peut penser à Raphaël Glucksmann ou Carole Delga. Qu’il ou elle n’ambitionne pas de devenir Premier ministre importe peu.

Il est à peu près sûr que LFI, sous la houlette de Mélenchon, refuserait une telle proposition, mais le refus de voter ne délégitime en rien la procédure. L’abstention est un choix. Un tel vote, par ses résultats ou par le refus des candidats LFI à y participer, révélerait presque certainement combien les prétentions de Mélenchon sont infondées. 

Réviser de façon visible la place de Mélenchon dans le NFP entre les deux tours lèverait un obstacle au report des voix centristes vers les candidats NFP non-LFIstes et donc augmenterait leurs chances de à se qualifier au second tour. Et cela faciliterait aussi de beaucoup la possibilité d’ouvrir des négociations dès le lendemain des résultats. En somme, cela aiderait à faire barrage au RN.

Par Françoise Longy