Delphine Batho : « Le problème de la gauche, c’est Jean-Luc Mélenchon »
Réunis en Conseil national, les communistes ont voté à 93 % une résolution appelant à repenser le rassemblement de la gauche et des écologistes. Ils souhaitent la « constitution d’un nouveau type d’union ». Fabien Roussel, PCF, leur leader appelle à « construire ensemble, verbaliser ce rassemblement, et à lui donner un nom ». À la tête de Génération Écologie, Delphine Batho a montré la voie.Interview
LeJournal.info : Génération Écologie a été la première à quitter la Nupes ?
Delphine Batho : Oui, car il ne peut y avoir aucune complaisance avec le Hamas et le terrorisme islamiste. Il n’est pas possible de prétendre gouverner ensemble la France avec quelqu’un qui ne reconnaît pas le Hamas comme une organisation terroriste qui veut instaurer une dictature islamiste en Palestine. Le choix de civilisation du 21e siècle, pour nous, c’est écologie ou barbarie. Nous sommes contre l’islamisme et le totalitarisme.
Génération Écologie a réalisé un score de 22 % à la primaire des écologistes. Avec 2500 adhérents, nous sommes un petit parti, mais notre voix porte.
LeJournal.info : Le PCF de Fabien Roussel va suivre la même voie ?
Delphine Batho : Tous ceux et celles qui estiment être porteurs d’une espérance ne peuvent plus être associés à la position de Jean-Luc Mélenchon. Je salue la clarification des communistes avec lesquels j’ai, par ailleurs, plein de divergences sur le productivisme. Je ne cours pas derrière le retour d’une vieille gauche, je milite pour la décroissance et l’écologie. Pour nous, il ne peut y avoir de cadre de relations et de combats communs que sur la base d’un socle de valeurs dont le refus de la barbarie est la base. Là-dessus, avec les communistes, mais aussi d’autres, on peut se parler.
LeJournal.info : Le Parti socialiste a, lui, différé la réunion de son Conseil national. Olivier Faure tergiverse ?
Delphine Batho : Nous appelons tout le monde à la même clarification que nous afin d’isoler Jean-Luc Mélenchon. Nous n’avons pas attendu. Nous avons voté la sortie de la Nupes à l’unanimité, rapidement, sans la moindre hésitation. Il faut penser avant d’avoir des arrière-pensées. Il s’agit d’une question historique. Toute dimension de calcul stratégique ou politique est dérisoire. On ne peut pas gouverner la France avec quelqu’un qui refuse de condamner les pogroms et la violence antisémite du Hamas et tente de leur trouver des explications. C’est simple, basique.
LeJournal.info : Les Verts sont eux restés au sein de la Nupes ?
Delphine Batho : EELV [Europe Écologie Les Verts] a été clair sur le fond. Ils ont condamné l’attaque terroriste, sans ambiguïté. Mais depuis l’accord des élections législatives sur la Nupes, EELV s’est mis dans une position de suivisme à l’égard de Jean-Luc Mélenchon. Ce parti a perdu en liberté politique, en capacité d’expression autonome et donc en capacité de peser en faveur de l’écologie.
C’est prendre le risque d’enliser les écologistes dans une solidarité mortifère qui peut faire disparaître l’écologie du paysage politique. Certains ont le sentiment de devoir leur élection à Jean-Luc Mélenchon, mais on ne peut pas raisonner comme ça. C’est une lourde erreur, qu’ils risquent de regretter.
LeJournal.info : Mettez-vous tous les membres de La France Insoumise dans le même panier ?
Delphine Batho : Non. Des voix se sont élevées de façon très claire, comme celles de François Ruffin, Rodrigo Arenas ou Alexis Corbière. Ils expriment ce que pensent nombre de militants de ce mouvement. Le problème de la gauche, c’est Jean-Luc Mélenchon. On ne peut pas continuer la Nupes tant qu’il en est membre. Je demande de la clarté et du courage, pas du calcul politicien. Il faut l’isoler, sinon on risque d’ensevelir tout espoir dans ses dérives.
LeJournal.info : Le refus de Jean-Luc Mélenchon de condamner le Hamas est donc irrémédiable ?
Delphine Batho : Oui, c’est un point de non-retour. Ce n’est pas juste la goutte d’eau qui fait déborder le vase des dérapages récurrents. Ce n’est pas non plus juste l’effet différé de son sabotage sur la réforme des retraites où on aurait gagné si on avait pu passer au vote. C’est vrai, il y avait déjà un problème Jean-Luc Mélenchon dans le périmètre des forces de gauche. Avec sa prise de position sur le Hamas qu’il a refusé de qualifier de terroriste, il y a désormais un point de rupture morale sur le fond, sur la monstruosité d’une attaque terroriste massive qui a entraîné un déchaînement de violence antisémite qui rappelle les pogroms.
Jean-Luc Mélenchon a rompu avec une tradition politique. Ce qui est en cause, c’est tout l’héritage de nos parents auxquels le 20e siècle a appris qu’il ne peut pas y avoir de printemps des peuples ni d’émancipation face à l’oppression, dans le totalitarisme.
Propos recueillis