Démocratie malade recherche gens raisonnables

par Boris Enet |  publié le 03/12/2024

Si la séquence parlementaire actuelle résulte de l’hybris d’un homme et d’une génération bouffie de certitudes, elle n’est pas moins inédite par la déraison dans laquelle la gauche et la droite ont choisi de s’installer. 

Michel Barnier avec Yael Braun Pivet, après l'annonce de l'utilisation du 49.3 pour le vote du budget de la Sécurité Sociale, dans l'hemicycle de l'Assemblée Nationale, le 2 décembre 2024. (Photo de Edouard Monfrais-Albertini / Hans Lucas via AFP)

Une autre voie parlementaire est permise que ce pitoyable spectacle dans lequel nous sommes plongés depuis l’été. Mais elle nécessite quelques principes et un minimum de courage. La droite française ou plutôt ce qu’il en reste, ne doit pas renoncer au creuset qui l’a vu renaître au lendemain de la collaboration. Gaulliste ou démocrate chrétienne, elle a contribué à refonder un pacte républicain. Si sa version gaulliste a épousé de manière contrariée l’aventure européenne, elle s’y est ralliée avec raison, tandis que l’autre droite, orléaniste et girondine, y a pleinement contribué. 

Les voilà pourtant déshonorées par de piètres calculs, marchandant leur survie auprès d’une Le Pen. Si, en temps de crises, la droite française a cette fâcheuse habitude de gommer ce qui la distingue de sa partie la plus extrémiste, sa Ciottisation accélérée révèle une capitulation honteuse sans qu’elle puisse se retrancher, cette fois-ci, derrière une invasion extérieure. Pire, elle prend le risque d’une crise majeure en Europe, propulsant les nationalistes à la tête de la seconde économie de la zone, tandis que la première est en pleine crise et que la troisième est minée par la dette et l’effondrement démographique. 

A gauche, ce n’est guère mieux. La pluralité de la gauche démocratique, en refusant de rompre clairement avec son versant populiste dans le cadre du NFP, est devenue inaudible et inintelligible. Elle reste à la remorque d’un triste clown dont le programme défend une 6e république parlementaire, tout en hâtant un calendrier césariste pour occuper le siège de l’éventuel démissionnaire. 

Alors que Mélenchon et les siens fourbissent leurs armes pour liquider les majorités municipales socialistes en 2026, affaiblir les institutions européennes, s’alliant avec la lie nationaliste du continent pour abandonner Kyiv, Tbilissi et Chisinau, les initiatives pour se défaire de cette emprise sont tardives et cacophoniques. Cette gauche ne sait plus où elle habite.

Plus prosaïquement, les principes s’effacent derrière l’incertitude du lendemain en cas de nouvelle dissolution voire de crise de régime. Les députés écologistes ont choisi en conscience, dans leur majorité, de faire allégeance aux populistes de LFI, tandis que le Parti Socialiste ne possède plus aucune boussole après quatre années à s’effacer derrière la figure de son pire ennemi. 

Au lendemain d’une censure votée dans les prochaines vingt-quatre heures, le courage consistera à s’adresser à ceux qui, au sein du « bloc central » ont refusé de pactiser avec le RN. C’était le sens de la mobilisation citoyenne au second tour des législatives en faveur du front républicain que Macron et les siens ont finalement piétiné avec l’aide de Mélenchon dès 20h03. 

A ces fins, le NFP doit imploser afin que les députés de l’arc démocratique à gauche puissent retrouver leur liberté de vote et d’initiative pour composer avec le centre autour de quelques priorités, en matière de politique étrangère ou de préservation des services publics, comme la santé et l’école. 

L’autre alternative réside dans la polarisation des populismes, remportée haut la main par l’extrême-droite face à l’homme devenu le plus impopulaire de la République. Il faut choisir et arrêter de tergiverser. La farce est tragique.

Boris Enet