Der Spiegel : bravo les Français!

par Gilles Bridier |  publié le 10/09/2023

En comparant avantageusement l’économie française, le magazine allemand interpelle surtout… la coalition politique allemande

Der Spiegel

Cocorico? Les couronnes tressées par le magazine allemand Der Spiegel, comparant dans son
éditorial la France à l’Allemagne « en mieux », doivent être d’autant plus appréciées qu’elles sont
inédites! La baisse de la fiscalité des entreprises, les réformes de l’assurance chômage et des
retraites, la relance de la filière électronucléaire… « La France est soudain considérée comme un
pays où la politique agit comme elle parle », commente avec ferveur l’éditorialiste allemand pour
louer la politique d’Emmanuel Macron.


Un tableau tout à l’honneur de l’exécutif français… si l’auteur n’omettait d’évaluer le véritable bilan
des réformes menées au détriment d’autres solutions, ou la faisabilité de certaines annonces
comme sur le nucléaire civil. Mais qu’importe les lunettes roses de l’auteur, car le message en
creux est moins destiné aux Français qu’aux dirigeants politiques allemands.

Cette comparaison traduit d’abord la baisse de moral de la première économie européenne. Après avoir connu une croissance en berne fin 2022, l’Allemagne est toujours confrontée à l’atonie de son activité alors que la France devrait profiter d’un petit 0,9 % de progression cette année. Pour le moteur économique de la zone euro, voilà qui détonne!

Et il y a les symboles. L’Allemagne vient d’être dépassée par la Chine dans les exportations d’automobiles! En plus, les automobilistes chinois se détournent des voitures allemandes pour leur préférer les productions nationales. Et pire, les marques chinoises exportent maintenant plus de véhicules en Allemagne que les constructeurs allemands n’en vendent en Chine! Dans un pays où l’automobile représente 13 % de l’activité et 20 % des exportations, c’est une déflagration.

Der Spiegel, par sa comparaison avec la France, souligne avant tout les conséquences de l’immobilisme d’un système qui se pensait inoxydable L’exemple en est la politique énergétique de l’Allemagne qui, arc-boutée sur son rejet du nucléaire, se trouve piégée par sa dépendance au gaz russe, contrainte de se reporter sur les énergies… fossiles émettant deux fois plus de CO2 que la France par habitant pour une électricité deux fois plus chère.

Ainsi le magazine Der Spiegel adresse un message d’alerte au chancelier Olaf Scholz au moment où il présente un « pacte pour l’Allemagne » pour tenter de surmonter les querelles de la coalition gouvernementale qui bloquent toute initiative.

Reste que l’Allemagne, malgré tout, dispose d’atouts qui manquent à la France. À commencer par la dette publique qui ne représente que 66 % du PIB. Que titrerait Der Spiegel si, dans un pays où l’orthodoxie budgétaire a valeur de religion, cette dette se trouvait propulsée au même niveau qu’en France, à 112 %!

Certes, la France attire les investisseurs étrangers, mais la réindustrialisation du pays manque encore de souffle. On rêverait que, au registre de la balance commerciale, la France avec son déficit de 164 milliards d’euros se rapproche de l’Allemagne bénéficiaire de 82 milliards, grâce à une industrie 2,5 fois plus puissante.  Quant au taux de chômage allemand, de 5,7 %, il reste largement plus bas que le taux français de 7 % présenté à Paris comme une réussite.

La France… l’Allemagne en mieux, vraiment ? Merci Der Spiegel, pour cet éloge qui corrige l’image de guerre civile donnée de la France par le magazine lors des manifestations de gilets jaunes. Mais le message a surtout une dimension nationale: l’Allemagne d’Olaf Scholz doit se réveiller et changer de siècle. Ce qui peut aussi s’appliquer à la France d’Emmanuel Macron embourbée dans ses clivages.

Gilles Bridier