Derrière le Hamas, toujours les mêmes…
L’offensive terroriste en Israël s’inscrit dans un affrontement plus large, qui nous concerne directement. Par François Hollande
Apparemment, le Hamas a agi seul pour commettre ses terribles attaques sur le sol israélien et pour provoquer l’horrible effusion de sang dont le monde est témoin. Il aurait constitué son arsenal sur ses propres ressources. Il aurait déclenché son offensive dans le plus grand secret. Il aurait surpris jusqu’à ses propres alliés.
L’Iran aurait tout ignoré de cette entreprise et son auxiliaire, le Qatar, qui abrite le chef de la branche politique du Hamas, aurait été mis devant le fait accompli. La Russie aurait été désolée de n’avoir rien anticipé.
Je ne veux céder à aucune une forme de paranoïa et encore moins verser dans une quelconque dérive complotiste. Mais qui sont les bénéficiaires de la situation créée par l’offensive du Hamas et par la guerre qui reprend au Proche-Orient ? On les trouve sans peine. Téhéran entend restaurer à cette occasion son hégémonie sur les masses musulmanes et parvient d’ores et déjà à briser le rapprochement qui s’esquissait entre l’Arabie Saoudite et Israël. Le Hezbollah pèse d’un poids plus lourd sur le destin du Liban et oblige toutes les communautés à faire bloc contre Israël.
Le Qatar, revenu depuis plusieurs mois dans le jeu moyen-oriental et dont les ressources en gaz l’ont rendu plus fréquentable pour les pays occidentaux, se place désormais en intermédiaire privilégié pour négocier l’éventuelle libération des otages et justifier ses liens avec l’Iran et sa bienveillance financière à l’égard du Hamas.
Quant à la Russie, elle fait mine de se désoler des massacres commis, sans les condamner, tandis qu’elle-même se laisse aller aux pires crimes de guerre sur le sol ukrainien. Poutine va jusqu’à proposer ses services pour trouver des solutions humanitaires, voire faciliter les contacts avec le Hamas auprès des pays dont les ressortissants ont été enlevés sur le sol israélien.
Parle-t-on encore de l’Ukraine ? Des bombardements incessants qui tuent chaque jour des civils et des avancées russes, à mesure que Kiev tarde à recevoir de ses alliés les équipements indispensables ? Évoque-t-on encore, pour s’en indigner, le sort réservé en Russie aux opposants et aux journalistes qui ont le front de s’opposer à la guerre de Poutine ? Quand tous les yeux se tournent vers le Proche-Orient, ils ne voient plus les malheurs produits par une opération qui dure depuis trop longtemps et qui, forcément, finit par lasser.
Je n’oublie pas la Chine, dont les difficultés économiques et les convulsions intérieures sont pour le moment occultées et qui retrouve son allié russe au Conseil de Sécurité pour bloquer toutes les résolutions qui pourraient offrir au secrétaire général de l’ONU une base juridique pour agir au nom de la paix.
En ce sens, la confrontation des démocraties et des autocraties n’est nullement suspendue par l’escalade de ces derniers jours au Proche-Orient. Loin de multiplier leurs efforts pour parvenir à une issue improbable, les autocraties de toutes sortes, cherchent d’abord à tirer profit de la situation de terreur créée par le Hamas.
En fait, ce qui se produit dans cette région, déjà déchirée depuis 75 ans par le conflit israélo-palestinien, s’inscrit dans l’affrontement global que les puissances impériales ont ouvert avec les pays occidentaux. Croire que seul Israël est visé par la faute d’un gouvernement extrémiste hostile à toute négociation est une vue de l’esprit. C’est aussi « nous » – nos modes de vie, nos règles de droit, nos conceptions universalistes – qui sommes concernés.
Cela n’autorise pas Israël à aller plus loin que nécessaire pour éradiquer le Hamas, ni à mettre en cause les droits humanitaires de la population de Gaza, mais l’attaque dont l’enseignant d’Arras, Dominique Bernard, a été la victime nous éclaire sur la nature profonde de l’enjeu de cette crise, là-bas et ici : une fois encore, le destin de nos démocraties.