Deux hommes au secours de l’Europe

par Marcelle Padovani |  publié le 04/10/2024

Enrico Letta et Mario Draghi prouvent aujourd’hui que la mauvaise réputation des gouvernements italiens en matière de coordination de la politique européenne n’est pas une fatalité.

Le drapeau européen sur la Place du Capitole à Rome, en mai 2024. (Photo Andrea Ronchini / NurPhoto via AFP)

Les médias italiens ont salué avec adulation « l’axe » inattendu qui s’est constitué entre Enrico Letta et Mario Draghi. Les deux ex premier-ministres, 58 et 77 ans, publient presque simultanément deux rapports analogues, chacun commandés par l’Union européenne et destinés ensemble à « sauver » cette même Europe.

Le premier est sorti le 17 Avril et le second le 9 Septembre. On y découvre une même dramatique sensation d’urgence géopolitique pour tout le continent. Les mots utilisés n’ont rien de mystérieux ou d’incompréhensible, même pour les plus ignorants en la matière. Comme si le but commun des deux auteurs avait été de toucher le plus d’interlocuteurs possible. Tout cela en proposant pour le continent un attachement rigoureux au processus d’intégration politique et à la croissance.

Leur Europe ? Letta insiste d’entrée de jeu sur le thème du « marché unique » comme pilier de la construction. Draghi, quant à lui, met l’accent sur la compétitivité, stimulée comme elle devrait l’être, écrit-il, par l’aide de l’Etat mais aussi du secteur privé. Il insiste aussi sur la nécessité d’abolir, lors du vote sur les réformes, la règle féroce de l’unanimité, qui bloque le plus souvent l’évolution transnationale. Les deux attirent l’attention sur quatre secteurs décisifs de l’économie : les télécommunications, l’énergie, les capitaux et la défense.

Si l’on demande à Salvatore Rossi, économiste, manager, banquier, et ancien directeur général de la Banque d’Italie, son impression sur le sauvetage que proposent ses deux célèbres concitoyens , il tient d’abord à souligner que le choix des deux rapporteurs s’est fait à Bruxelles , pas à Rome, et avec un critère décisif : leur indéniable compétence. Puis que le tout a été « béni par Ursula Von Der Leyen » en personne.

Grace à ces deux rapports une Europe compétitive et multipolaire pourrait voir le jour, une Europe à plusieurs vitesses. « Je suis optimiste », clame Salvatore Rossi. Avant d’ajouter : « Si la nouvelle Commission avance lentement c‘est parce qu’elle a conscience que ses premiers pas sont décisifs. Et qu’elle veut rester à des années-lumière de la tentation populiste ».

Quand on insiste pour savoir si la bénédiction des deux rapporteurs italiens pourrait être également utile à l’Italie en tant qu’acteur européen, Salvatore Rossi est tranchant : « On verra. Mais une chose est sûre : ni Enrico Letta, ni Mario Draghi ne passeront jamais pour des alliés du gouvernement de Giorgia Meloni » .

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome