Diesel : le poids de la tomate…
Cinq à six cuillères à soupe d’huile… de carburant diesel pour produire une seule tomate !
On sait que la viande a un coût environnemental élevé. Mais qu’en est-il des légumes ? Regardons de près la tomate, aujourd’hui mondialement adoptée, depuis son Mexique et son Pérou natals jusqu’à la Chine, devenue son plus grand producteur.
On peut faire pousser des tomates partout où il y a au moins 90 jours de temps chaud, éventuellement à partir de plants que l’on fait croître en intérieur. Leur culture commerciale est une autre affaire, très spécialisée. La plupart des variétés disponibles dans les supermarchés ne proviennent que de quelques régions du monde. Aux États-Unis, la Californie ; en Europe, l’Italie et l’Espagne.
Afin d’augmenter leur rendement, d’améliorer leur qualité et de réduire la quantité d’intrants énergétiques, elles sont le plus souvent cultivées dans des serres. Le plastique est une alternative moins coûteuse que le verre. Lorsque les plantes sont cultivées en plein air, des bâches couvrent le sol afin de réduire l’évaporation et éviter les mauvaises herbes. La synthèse des plastiques repose sur les hydrocarbures, tant pour les matières premières que pour l’énergie nécessaire à leur production. Le gaz naturel est aussi utilisé pour la production des engrais de synthèse. D’autres hydrocarbures servent pour la production d’insecticides et de fongicides.
L’élaboration d’une facture en termes énergétiques n’est pas simple. Les intrants énergétiques directs, comme le chauffage des serres, sont faciles à quantifier sur la base des factures d’électricité, d’essence et de diesel, mais le calcul des flux indirects – par exemple la production d’engrais de synthèse- nécessite une comptabilité spécialisée. L’étude la plus méticuleuse de la culture dans les serres multitunnel chauffées et non chauffées d’Almería (Espagne) a conclu que la consommation énergétique cumulée est de plus de 500 millilitres (ml) de diesel par kilo !Ce coût énergétique élevé s’explique notamment par le fait que les tomates de serre reçoivent le plus de fertilisant au monde : jusqu’à 10 fois plus d’azote et de phosphore par mètre carré que pour produire du maïs grain.
Sous une mer de plastique de 40 000 ha, les cultivateurs espagnols d’Almeria et leurs ouvriers produisent chaque année, à des températures dépassant souvent les 40 °C, près de 3 millions de tonnes de légumes et de fruits. Ils en exportent environ 80 % vers les pays de l’UE. Un camion transportant une cargaison de tomates d’Almería vers le nord de l’Europe consomme environ 100 ml de diesel par kilo, et le transport, le stockage et l’emballage dans les centres de distribution régionaux, ainsi que les livraisons aux magasins, portent ce chiffre à près de 130 ml/kg.
Le total équivaut à environ 650 ml/kg, soit plus de cinq cuillères à soupe de carburant diesel par tomate de taille moyenne !
Vous pouvez visualiser cet apport énergétique en combustibles fossiles en coupant une tomate, en l’étalant sur une assiette et en versant dessus 5 à 6 cuillères à soupe d’huile foncée. Combien de végétaliens dégustant cette salade sont-ils conscients de sa charge en combustibles fossiles ?
Analyse extraite d’un ouvrage de Vaclav Smil, à paraître prochainement.