Discrimination positive : le succès brésilien
Le parti de Lula avait mis en place un système de quotas dans les universités brésiliennes. Dix ans plus tard, le bilan de l’expérience fait réfléchir
Enquête passionnante dans Le Monde, sur le système de quotas en vigueur dans les universités brésiliennes. En dix ans, grâce à la « discrimination positive », le nombre d’étudiants noirs a été multiplié par cinq au Brésil, pour atteindre quelque 50% des effectifs dans l’enseignement supérieur. Une génération nouvelle de diplômés s’est ainsi constituée qui « bouleverse les fondements de la société brésilienne », écrit le correspondant du journal, Bruno Meyerfeld.
Le système a été instauré en 2012 par le gouvernement de Dilma Rousseff, présidente issue du Parti des Travailleurs, la formation fondée par Lula. La droite s’y était opposée, mais aussi une partie de la gauche, hostile au principe de la discrimination positive. Bolsonaro a tenté d’en réduire la portée, mais Lula revenu au pouvoir l’a conforté. Les universités accueillent ainsi un quota d’étudiants sélectionnés sur un ensemble de critères sociaux mais aussi ethniques, ce qui leur permet d’accéder à des professions dont les Noirs étaient auparavant quasi-absents, ce qui était le but de la réforme.
Le Brésil, dans ce domaine, fait contraste avec les États-Unis, où la Cour suprême vient de mettre fin à la « discrimination positive » en vigueur depuis plus de cinquante ans. Mouvements contradictoires ? Pas sûr : beaucoup aux États-Unis estimaient que le système avait rempli son office et que son maintien ne se justifiait plus, d’autant qu’une bonne partie des afro-Américains lui étaient hostile.
Une leçon pour la France ? Peut-être. La question, en tout cas, mérite plus ample examen. Républicaine, universaliste, la France est par définition rétive à tout système de quotas ethniques. Pour promouvoir les étudiants issus des minorités, manifestement sous-représentés à l’université et, surtout, dans les grandes écoles, on préconise en général une action préalable d’accompagnement renforcé dans le secondaire, la distribution plus large de bourses d’études ou encore de filières où un enseignement spécifique est censé pallier les handicaps sociaux d’origine. L’ennui, c’est que ces mécanismes sont insuffisants et, en tout état de cause, lents à produire leurs effets. D’où la réflexion sur les quotas, non pas ethniques (la culture républicaine française s’y oppose formellement) mais sociaux, qui concernent certes les minorités ethniques, mais plus largement les enfants issus des classes populaires, sans distinction de couleur de peau. Plusieurs établissements, dont Science Po est le plus connu, le pratiquent avec succès.
L’exemple brésilien vient nourrir cette réflexion : il est clair que la « discrimination positive » permettrait d’aboutir à des changements rapides, dans un pays où la représentation des classes populaires dans l’enseignement supérieur est notoirement faible et n’évolue qu’à une vitesse millimétrique. On sait bien que cette réalité persistance donne le sentiment aux enfants des quartiers populaires ou bien des zones rurales reléguées que l’égalité des chances n’est qu’un vain mot, ce qui alimente un large sentiment d’injustice, à la base de spectaculaires révoltes sociales. Joue-la comme Lula ? L’idée mérite examen urgent, alors même que les fractures sociales sont l’une des plaies ouvertes de la République.