Donc, Fillon était bien coupable…

par Laurent Joffrin |  publié le 25/04/2024

Depuis 2017, l’ancien Premier ministre criait à la machination pour récuser les accusations portées contre lui et son épouse

Laurent Joffrin

Alors, ce complot ? Accusé en pleine campagne présidentielle d’avoir fait rémunérer son épouse pour un travail qu’elle ne faisait pas, François Fillon avait aussitôt hurlé à la conspiration. Un « cabinet noir » dissimulé à l’Élysée de Hollande, disait-il, était à l’origine des accusations ; des magistrats partisans et des enquêteurs aux méthodes biaisées avaient ouvert une enquête indûment, dont le seul but était de l’empêcher de gagner l’élection. Ainsi, après avoir posé une question assassine à propos de Nicolas Sarkozy – « Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? », François Fillon à son tour mis en examen prenait prétexte de cette supposée machination pour rester dans la course.

Pourtant quiconque se penchait sur le dossier constatait deux choses gênantes : Pénélope Fillon était supposée aider son mari dans sa circonscription, mais aucun témoin ne venait le confirmer ; et surtout, dans une vidéo ancienne, la même Pénélope déclarait candidement qu’elle ne faisait « rien » pour son mari dans le domaine politique. Pourtant la thèse du complot continua de prospérer après l’élection. Pour toute la droite, il était entendu que la conjonction maléfique du pouvoir socialiste, des « juges rouges » et de la presse « militante » avait eu raison de son candidat et qu’une enquête enfin sérieuse ferait justice d’accusations portées pour les besoins de la cause.

La réponse

Sept ans après le début de l’affaire, nous avons la réponse : il n’y avait pas plus de complot dans cette affaire que dans celles qui ont touché les proches ou ex-proches de la sarkozie et pour lesquelles une ribambelle de condamnations définitives sont tombées au fil ses ans. Au terme de son enquête, un juge d’instruction a estimé qu’il y avait lieu à procès, les juges de première instance ont affirmé la culpabilité de Fillon, celle-ci a été confirmée en appel, puis en cassation. Quatre instances successives, indépendantes les unes des autres, ont donc estimé qu’il fallait condamner le couple. Le débat ne porte plus que sur le niveau de la sanction. Autrement dit, en dépit de sept années de dénégations péremptoires, l’ancien Premier ministre et candidat à la présidence de la République a bien détourné au fil des ans, illégalement, une somme rondelette puisée dans les caisses du Parlement.

L’affaire a influé sur l’élection présidentielle de 2017 ? C’est certain. Sans elle, Fillon était élu. Mais si les juges s’étaient abstenus d’enquêter, les électeurs auraient porté à la présidence un homme coupable d’une irrégularité manifeste commise pour son seul profit personnel. Laquelle, de surcroît, aurait fini par apparaître du grand jour, plaçant la République dans une crise majeure.

Laurent Joffrin