Don’t cry for me Argentina
Tandis que le G20, accueilli par le rival voisin, témoigne d’une montée en puissance du « Sud global » au détriment d’un occident en plein doute existentiel, l’Argentine de Javier Milei trace sa voie illibérale et libertarienne, un an après sa victoire. Pour quel bilan ?
Les recettes des courants ultralibéraux tuent souvent le malade avant de venir à bout de la maladie. Cette vieille maxime s’applique assez bien à la troisième plus grande économie d’Amérique latine, après le Brésil et le Mexique. Contre l’inflation et l’endettement public, l’homme à la tronçonneuse – maintes fois brandie devant la foule – a partiellement réussi comptablement. L’inflation a reculé en rythme annuel, passant de plus de 210% à 123% parallèlement à une dévaluation planifiée permettant de stabiliser le taux de change entre le dollar et le peso, qualifié de « merde » par El Loco (le fou).
En janvier dernier, le pays a effectivement présenté un excédent budgétaire pour la première fois depuis douze ans, au prix de coupes sombres dans les dépenses sociales et surtout d’un recul des départs à la retraite. Sans nulle autre considération, on pourrait créditer le président argentin de ces « bons points ». À la condition de se nommer Elon Musk. Si l’on complète le tableau par le niveau de vie et la reprise de l’activité, le professeur d’économie, médiatisé depuis 2014, fait du Pinochet sans les chars et la DINA, police politique après le coup d’État.
Une activité forcément en berne, des investisseurs toujours hésitants malgré un remède de cheval et des secteurs industriels encore en recul comme dans la métallurgie ou la construction jusqu’à moins 21% en un an, c’est évidemment la limite de ce type de potions magiques.
Si l’Argentine ne possédait pas son secteur primaire (soja, maïs, blé et viande à l’exportation), ses ressources minières de lithium, de cuivre et de gaz de schiste et le FMI, dernier bailleur de fonds, le pays serait exsangue. Car le paradoxe demeure pour la 23e économie mondiale. Malgré neuf défauts de paiement, 22 programmes du FMI, l’Argentine avait su maintenir un Indice de Développement Humain élevé à 0.842, proche de la moyenne des pays de l’OCDE et une forme d’État-providence dévoyé et corrompu par le péronisme et ses avatars.
Désormais, avec une hausse de 9 points de la part de la population incapable de satisfaire les besoins de base dont 18% dans le dénuement et la grande pauvreté, le risque réside en une explosion des inégalités au détriment des plus faibles.
Le crédit bancaire peut bien repartir et les prévisions de croissance pour 2025 s’envoler entre 3 et 5% selon les sources, il ne faudra pas compter sur la consommation domestique des 52,9% de pauvres, sacrifiés sur l’autel de l’idéologie libérale. Preuve en est : les 601 milliards de déficit du secteur public dont Milei n’a que faire. Qu’on imagine la moindre reprise d’une pandémie pour songer aux dégâts parmi la population.
« L’anarcho-capitaliste » comme il se définit lui-même, n’est malheureusement plus esseulé dans ses recettes à la Milton Friedman. De l’autre côté de la frontière, Bolsonaro retrouve des couleurs face à Lula, tandis que le gringo du Nord sera investi en janvier. Lui qui a cloné ses quatre chiens sur le modèle de son premier « fils » Conan, sert manifestement de modèle à une droite régionale décomplexée, prête à tout pour maximiser les marges d’intérêts très privés.