Double peine pour l’automobile européenne

par Gilles Bridier |  publié le 05/04/2025

Déjà confrontés à une crise structurelle, les constructeurs européens vont affronter une concurrence asiatique exacerbée. L’Europe est déjà devenue le premier marché d’exportation des voitures électriques chinoises.

Un employé contrôle des voitures Peugeot 3008 III sur le parking de l'usine automobile Stellantis à Sochaux le 4 avril 2025. Trump a annoncé un droit de douane de 25 % sur toutes les importations de voitures de fabrication étrangère aux États-Unis. (Photo SEBASTIEN BOZON / AFP)

Gare à l’effet de souffle sur l’industrie automobile européenne ! En théorie, la hausse brutale de 25% des droits de douane décidées unilatéralement par l’administration Trump devrait pouvoir être absorbée par les constructeurs du vieux continent. En effet, les ventes de voitures fabriquées dans l’UE et exportées outre-Atlantique (749.000 unités) ne représentent que 5% des 16 millions de véhicules vendus aux États-Unis. Les marques de luxe allemandes seront toutefois les plus touchées, car plus de la moitié des voitures des groupes Mercedes et BMW (englobant BMW, Mini et Rolls Royce) et les trois quarts de Volkswagen (incluant Audi et Porsche), vendues sur le territoire américain, sont fabriquées en Europe.

Mais tous les constructeurs craignent les effets secondaires de la fermeture du marché américain. A ce titre, même ceux qui n’exportent pas directement aux États-Unis tirent la sonnette d’alarme. Au-delà des problèmes conjoncturels liés au nouveau protectionnisme américain, une crise structurelle risque de déferler dans l’industrie automobile européenne à cause du retard pris dans la modernisation de ses gammes, des coûts de production trop élevés et des marges trop ambitieuses. Les consommateurs lorgnent de plus en plus du côté des voitures d’origine asiatique, aujourd’hui à la pointe de la technologie et commercialement agressives. Les marques japonaises et coréennes ont importé de leur pays d’origine environ 12% des 10,6 millions de voitures vendues dans l’Union européenne l’an dernier. Mais surtout, les marques chinoises continuent leur percée avec une pénétration de plus de 17% du marché de l’UE l’an dernier, selon les chiffres de l’ACEA (association des constructeurs européens). Or, compte tenu de la situation nouvelle créée par l’administration Trump, ces marques chinoises vont accentuer leur pression sur l’Union européenne.

La pression sera d’autant plus forte que le marché intérieur chinois ne parvient plus à absorber la croissance de son industrie automobile, et qu’il devient vital pour les marques de trouver des débouchés à l’export. Alors qu’elle se limitait à 14% de la production mondiale en 2008, la Chine représente désormais 35% des véhicules fabriqués, alors que sur la même période, l’Europe est tombée de 31% à 17% d’un marché mondial évalué à 75,5 millions d’unités l’an dernier. Des évolutions symétriques, au bénéfice de la Chine portée par l’avance prise dans les motorisations électriques et les batteries dont elle assure 80% de la production mondiale.

Pour enrayer cette progression, Bruxelles a décidé en octobre dernier de durcir les taxes sur les voitures électriques importées, instaurant des surtaxes jusqu’à 35% pour compenser les subventions dont ont profité les constructeurs chinois pour développer ces gammes de véhicules. Ainsi, outre le nouveau bras de fer entre l’Europe et les Etats-Unis, l’UE et la Chine en ont engagé un autre, mesures de rétorsion réciproques à la clé.

L’automobile française, moins directement concernée que l’allemande par les surtaxes américaines, risque cette fois d’être l’une des principales victimes. A force de délocalisations, elle a perdu la moitié de sa production en vingt ans, et ne représente plus que 1,6 % du total mondial contre 5,5% en 2000. Un véritable sinistre ! C’est dans ce contexte qu’elle va devoir affronter la nouvelle concurrence chinoise qui, pour échapper aux surtaxes, développe ses productions sur le territoire européen. Avec notamment la Hongrie pour tête de pont, où le chinois BYD a rejoint le japonais Suzuki et le coréen Samsung. MG, filiale du groupe SAIC, aurait choisi l’Espagne. Mais ce ne sont que des exemples parmi d’autres, les investisseurs chinois multipliant les projets dans la fabrication de batteries destinées aux voitures électriques.

Gilles Bridier