Drogue : le trafic mondial contrôlé par… la mafia calabraise
La ‘Ndrangheta, “reine des mafias”, organisation archaïque provinciale italienne, exploite désormais tout le narcotrafic entre l’Amérique latine et l’Europe ! Stupéfiant…
C’est une rencontre historique, la première du genre, voulu par le procureur national antimafia et antiterrorisme, Giovanni Melillo, comme pour assumer pleinement son rôle d’héritier de Giovanni Falcone assassiné par Cosa Nostra le 23 mai 1992. trente-deux ans plus tard, 200 magistrats venus d’Amérique latine, d’Europe et bien sûr d’Italie n’étaient pas là pour commémorer l’anniversaire du meurtre d’un magistrat devenu une légende. Ils étaient là, au tribunal de Palerme, plus prosaïquement pour faire le point sur leurs combats d’aujourd’hui contre le crime. Ce qu’ils ont révélé d’entrée à de quoi stupéfier.
Les associations criminelles qui se vouent au trafic de la cocaïne sont gouvernées, organisées, contrôlées au niveau mondial par une mafia provinciale, calabraise, capable d’exploiter tout le narcotrafic entre l’Amérique latine et l’Europe, entre Bogota et La Haye, Buenos Aires et Marseille Caracas et Gênes . Cette nouvelle “regina delle mafie”, cette reine des mafias, s’appelle la ‘Ndrangheta. Un nom venu du grec ‘andros agato’, qui signifie homme courageux et valeureux. Née il y a presque deux siècles, au sud de la botte italienne, l’’organisation s’est contentée de vivoter sur son territoire avant de s’aventurer dans le Nord de la Péninsule puis en Europe septentrionale, et enfin toujours plus loin, aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Australie.
Magistrats et policiers qui luttent aujourd’hui contre le narcotrafic prononcent le mot non sans appréhension. La ‘Ndrangheta, société secrète, mythique, mystérieuse, richissime, tentaculaire et étanche rassemble 60 000 membres, régis par l’historique “‘”familialisme amoral” défini par les historiens. Un code fondé sur des valeurs telles que ‘l’archaïsme des traditions, un sens aigu de l’honneur et la pratique de l’omertà’, comme les décrit le magistrat Giuseppe Gatti. Des principes et des pratiques « fort utiles pour réguler le trafic de stupéfiants’ .
Tous les trafiquants de coke, ajoute le procureur, savent ainsi que la ‘Ndrangheta est ‘une organisation fiable, sérieuse, régulière dans ses livraisons et responsable pour ses paiements’. Elle était régie hier par les lois de l’honneur, du sang et de la guerre. Elle y a ajouté aujourd’hui les règles de l’argent et du pouvoir. Un premier signal de sa pénétration avait été donné en 2008 par les ÉtatsUnis lorsqu’ils l’ont inscrite sur la liste des ‘Foreign Narcotics King Pins’. Le deuxième remonte au 15 aout 2017, avec la ‘strage di Duisburg’, le massacre de Duisbourg lorsqu’à deux heures du matin, en sortant du restaurant italien ‘Da Bruno’, six clients ont été assassinés.
Les Allemands ont alors compris que le crime mafieux s’exportait et polluait leur propre pays. Et qu’ils n’étaient pas les seuls à subir cette expansion. Avec quelle conséquence ? Celle de la concertation de 200 magistrats qui jusqu’ici n’avaient communiqué que par mail ou téléphone, qui avaient du mal à se faire une idée des opérations menées par leurs collègues et qui, pour la première fois, ont pu fructueusement échanger leurs expériences pour plus d’efficacité.