Drones: l ‘armée de l’Air du pauvre

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 10/02/2024

Les drones peuvent  rééquilibrer les conflits, ou  en accroitre les effets destructeurs…

D.R

Avec les drones, toute guerre affirme sa troisième dimension, que les belligérants disposent ou non d’une armée de l’air. Certains auteurs voient dans leur apparition un accroissement du « champ vertical de la puissance », parce que les États-Unis ont commencé à les développer dès les années 2000 et en ont tiré de nouveaux usages militaires, en matière de surveillance ou de létalité. Mais les caractéristiques de ces engins n’ont pas tardé à permettre à bien d’autres organisations de s’en servir et de devenir ainsi l’armée de l’air du pauvre. Ils sont en effet faciles à utiliser et plus accessibles.

Les plus sophistiqués des drones, lorsqu’ils sont armés et donc plus lourds ,peuvent certes couter jusqu’à une vingtaine de millions de dollars (comme le Reaper américain). Ce qui reste très loin du coût d’une Rafale (de l’ordre de 100 millions), mais proche de celui d’un chasseur américain comme le F-16, mais sans le coût associé du pilote, de sa formation, voire de sa vie. En revanche, des drones plus légers consacrés au repérage et à la surveillance, parfois simples jouets d’enfants adaptés à d’autres jeux, peuvent n’atteindre que quelques milliers ou dizaines de milliers d’euros. Tout en étant dotés d’une capacité de tuer une cible.

De fait, de nombreux pays, dont la Turquie (avec son Bayraktar TB2 déjà très utilisé en Afrique), l’Inde (et son Titan tueur de chars), l’Iran (et son Shahed très utilisé par les Russes), Israël (et son Héron), la Chine évidemment (avec son CH-4) sont très actifs dans la production de drones militaires, et alimentent désormais des marchés très larges dont ceux de pays ou de groupes très démunis, ceux de ces « armées des pauvres ».

Faute de disposer d’une vraie armée de l’air, les F-16 promis par les États-Unis tardant à arriver, l’Ukraine s’est ainsi résolue à en user le plus possible et peut faire face, tant bien que mal, à la maitrise du ciel écrasante des Russes. Le « ratio de destruction », c’est-à-dire le rapport entre ce qu’a coûté l’engin et la valeur de la cible visée et détruite peut être très élevé. Entre un drone de quelques dizaines de milliers d’euros et sa cible potentielle un char lourd, type Abrams, Leclerc ou Léopard d’un coût de l’ordre de 5 à 8 millions d’euros, la différence est énorme. Les unités attaquées doivent alors déployer des solutions de protection qui peuvent être elles-mêmes très coûteuses.

L’Ukraine, mais aussi l’Afrique. Toutes les armées, ou groupes armés africains, commencent à découvrir les vertus des drones, en substituts à une maîtrise de l’espace aérien qu’ils ne peuvent avoir que partiellement ou pas du tout.

Le drone est à l’armée de l’air ce que la guérilla est aux troupes motorisées. Il n’est donc plus seulement l’apanage des armées régulières des différents pays africains. Car s’il est désormais régulièrement utilisé contre les groupes djihadistes, au Nigéria, en Éthiopie ou au Sahel notamment, il se retourne aussi contre les armées gouvernementales et leurs alliés, supplétifs russes par exemple, puisque les djihadistes en disposent eux aussi. En un sens, les drones tendent vers un certain rééquilibrage des conflits.

Jean-Paul de Gaudemar

Jean-Paul de Gaudemar

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