Du rififi chez les papabili

par Thierry Gandillot |  publié le 06/12/2024

Sorti le 4 décembre, « Conclave », le film de Edward Berger, adapté du roman de Robert Harris, tient bien la route avant de nous perdre dans le dernier tiers. 

Ralph Fiennes dans "Conclave" de Peter Straughan et Robert Harris (2024). (DIAMOND FILMS)

Le Pape est mort dans des conditions que l’on pourra juger mystérieuses. Un nouveau Pape est appelé à régner. Mais le vice est partout, même au Vatican : intrigues, coups-bas, complots, mensonges à tous les étages … Ils en auront beaucoup à confesser les participants de ce conclave qui se tient sous haute surveillance ; car l’Europe est, au même moment, la cible d’attentats terroristes qui n’épargnent pas la Ville éternelle.

Le cardinal Lawrence (Ralph Fiennes, impérial) a été choisi par le défunt Pape pour organiser ce conclave à haut risque. Un choix étrange, puisque Lawrence s’était ouvert au Pontife de son désir d’abandonner la pourpre cardinalice pour s’enfermer dans un couvent et réfléchir aux doutes qui l’assaillent. C’est peut-être pour cela, justement, que la Pape l’a choisi. Car il faudra faire preuve de beaucoup d’intégrité et de sang-froid pour démêler les fils de la conjuration qui se trame.

« Il faut être fou pour vouloir être Pape », lance le cardinal Bellini (Stanley Tucci, qui ne s’habille pas seulement en Prada, mais porte fort avantageusement la soutane). À quoi Lawrence répond : « Certains ici en rêvent. L’enfer, ce sera quand les portes seront fermées avec tous les cardinaux à l’intérieur. »

Certains, donc, en rêvent si fort, qu’ils sont prêts à toutes les bassesses pour grimper sur le trône de Saint-Pierre. S’ils sont cinq candidats sérieux, deux qui font la course en tête – on rappellera qu’il faut les deux-tiers des voix avant de déclencher la fumée blanche. Le cardinal Tedesco (tonitruant Sergio Castellito) rêve d’un pape enfin italien qui en reviendrait à la tradition la plus stricte. Et le cardinal Adeyemi (Lucian Masamati) qui peut compter sur les voix des pays du Sud, semble assez confiant dans son élection. Erreur, car le cardinal Tremblay (John Lightgow) attend son heure pour lui donner un bon coup de goupillon derrière la calotte.

Les voies du Seigneur sont impénétrables, et le défunt Pontife a mitonné une petite surprise du chef avant d’aller rejoindre le Créateur. Alors que les portes vont se refermer sur les 108 cardinaux appelés en conclave, un invité inattendu frappe à la porte. Les états de service de ce Benitez, un cardinal colombien sorti de nulle part (Carlos Diehz) semblent un peu troubles. Il aurait baroudé en Afrique parmi les génocides, et il affirme que sa Sainteté l’a nommé dans le plus grand secret archevêque de … Kaboul dont la communauté catholique est pour le moins exsangue. Le pire, c’est que ça a l’air vrai. Mais à quoi jouait le Pape ? L’énigmatique Sœur Agnès, (Isabella Rossellini, parfaite en Mère supérieure), a l’air d’en savoir à ce sujet un peu plus que les autres. 

Bref, on n’en dira pas trop, car la principale qualité du film d’Edward Berger (quatre oscars en 2023 pour « À l’Ouest rien de nouveau », adaptation du roman d’Erich Maria Remarque) est de ménager un suspense qui tient en haleine une bonne partie du temps. Il faut dire que « Conclave » est tiré d’un roman de Robert Harris qui sait y faire en manière de thriller. On lui doit, entre autres best-sellers, le remarquable Énigma sur la machine à crypter des nazis dont les Britanniques cherchèrent à percer les mystères au cours de la Seconde guerre mondiale. 

Ajoutons pour faire bon poids, que le scénario est cousu-main par Peter Straugham dont l’un des hauts-faits est d’avoir su adapter l’inadaptable, à savoir La Taupe, de John le Carré. « Conclave » tient la route jusqu’aux deux-tiers du film, après quoi il faut vraiment faire un sérieux acte de foi pour y croire. Amen …

« Conclave » De Edward Berger. Avec Ralph Fiennes, Stanley Tucci, Lucian Msamati, Sergio Castellito, Isabella Rossellini, John Lightgow, Carlos Diehz … 2 heures

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture