Eau, mobilisation générale en Occitanie

par Hervé Marchal |  publié le 03/05/2024

La sècheresse menace l’économie de toute la région. Branle-bas de combat au sud !

Des pénitents marchent dans les rues de Perpignan lors d'une cérémonie catholique pour demander de la pluie en raison de la sécheresse qui frappe la région des Pyrénées-Orientales, à Perpignan, dans le sud-ouest de la France, le 10 mars 2024 - Photo Valentine CHAPUIS / AFP

            C’était une sorte de jardin d’Eden. Verdoyant et fleuri à perte de vue, planté d’arbres odorants et colorés qui en faisaient la richesse. Aujourd’hui, la plaine du Roussillon n’est plus qu’une terre aride, avec une arboriculture fruitière en sursis. Où la vigne, pourtant réputée pour sa résistance au stress hydrique, y est en péril. Et le maraîchage menacé. L’Eden est devenu un enfer.

L’intensité de la sécheresse est inouïe. Sur deux ans le déficit pluviométrique est de 35 % en moyenne. A Perpignan et ses alentours, épicentre de la crise, il n’a jamais aussi peu plu, au cours des 100 dernières années. L’été dernier les restrictions d’eau ont été générales y compris pour l’eau potable. Le tourisme est impacté. Victime de son attractivité, qui développe la démographie et donc l’activité du bâtiment. 

Des voix s’élèvent désormais pour demander une pause de la croissance de la population. Tous les « voyants eau » de la région sont au rouge. Ce constat a déclenché -manifestations paysannes aidant – une prise de conscience des habitants et l’amplification de la mobilisation générale des élus locaux et de l’État. Ici, l’eau c’est le pétrole des Émirats, une ressource vitale pour l’économie et les habitants.

La Région Occitanie a décidé de structurer sa feuille de route autour de quatre objectifs : la sobriété des usages, la réutilisation des eaux usées traitées (REUT), les retenues d’eau, et le prolongement du réseau hydraulique régional (RHR) par la canalisation enterrée Aqua Domitia qui apporte l’eau du Rhône. Ce réseau a distribué, en 2023, 165 millions de m3 d’eau brute (non potabilisée) et irrigue plus de 66 000 ha agricoles. Avec six usines pour potabiliser l’eau, il sécurise l’alimentation de Nîmes, Montpellier et Narbonne soit 500 000 personnes.

Le RHR est devenu une toile d’araignée géante, une sorte de méga centrale de distribution et de traitement. Ainsi, s’appuyant sur la ressource que représente Aqua Domitia, le département de l’Hérault a lancé un vaste projet de 7 retenues d’eau dans l’ouest de son territoire afin de « donner à l’agriculture le temps nécessaire pour s’adapter et survivre ». L’idée est de profiter de l’hiver, quand le réseau n’est exploité qu’à 15 % de sa capacité, pour constituer des réserves d’eau qui seront utilisées en période estivale. Le budget représente seulement 10 % de l’ensemble des actions du département liées à l’enjeu climatique.

Pour l’Hérault, la cause semble entendue. Prochaine étape Perpignan, comme le propose Carole Delga, présidente de la Région Occitanie : « Face à la sécheresse, dit-elle, nous étudions l’extension du réseau hydraulique régional pour amener l’eau du Rhône aux habitants des Pyrénées-Orientales ». Ce projet devient urgent. Reste, à traiter la protection du débit du Rhône au regard de l’augmentation des prélèvements. En fonction aussi de la diminution des chutes de neige en recul, mais qui seraient compensées par une augmentation des périodes pluvieuses, selon une étude récente de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.

Actuellement, le volume des prélèvements, tous confondus, est de 3,1 milliards de m3 par an soit 5 % du volume total de l’eau qui va jusqu’à la mer. Une proportion qui monte quand même à 15 % en période estivale.

Il y a donc de la marge à condition d’économiser l’eau et d’organiser sa gestion. L’avenir du débit du Rhône est un enjeu stratégique pour le pays. Cette sobriété des usages est l’un des objectifs majeurs à mettre en œuvre. Ainsi, la Région Occitanie accompagne les habitants dans la réduction de leur consommation. Elle prévoit même de distribuer gratuitement des dispositifs d’économie : mousseur pour robinet ou douchette, réducteur de débit. Les lycées vont en être équipés et les acteurs du tourisme (campings et hôtels) sensibilisés. D’autres préfèrent s’en remettre aux prières … (photo).

Dans l’arsenal des mesures prises, il est prévu de perméabiliser les sols urbains, moderniser le réseau hydraulique, rechercher les fuites (des chiens ont même été dressés à cet effet dans les Pyrénées-Orientales). Et, enfin, réutiliser les eaux usées, un domaine où la France est très en retard. Nous ne recyclons que 1 % de nos eaux usées contre 12 % en Espagne et 8 % en Italie. Ici les plans « eau » sont devenus un incontournable des délibérations du budget des assemblées d’élus. « Ce que je défends, assure Carole Delga, c’est un mix de solutions pour préserver l’eau et concilier les usages ». En Occitanie, une mutation radicale est en cours.

Hervé Marchal

Correspondant à Montpellier