Échec à la violence porno

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 20/10/2024

En décidant que la protection des mineurs passe avant la liberté des majeurs, la Cour d’appel de Paris donne une impulsion précieuse au combat pour la protection des enfants contre les images pornographiques.

Illustration d'un site Internet pour adultes, capture d'écran. Site porno interdit aux mineurs de moins de 18 ans. (Photo Riccardo Milani / Hans Lucas via AFP)

Tout arrive… En décidant le 17 octobre de faire bloquer l’accès à Internet à plusieurs sites pornographiques qui ne vérifient pas sérieusement l’âge des utilisateurs, la justice a pour la première fois fait appliquer une disposition importante de la loi de 2020. Elle a fait mieux : dans ses attendus, elle a confirmé les conséquences catastrophiques que les contenus pornographiques, de plus en plus violents, peuvent avoir sur les plus jeunes. Elle a ainsi clairement acté une nouvelle hiérarchie des normes : « Les attendus de la Cour d’appel, se réjouit l’ancienne ministre Laurence Rossignol, consacrent la primauté de la protection des enfants sur celle de la vie privée des consommateurs majeurs, et un droit des mineurs à être protégés de l’accès à ce contenus violents et stéréotypés ».

On sait l’influence croissante qu’a pris la diffusion des vidéos pornographiques, notamment sur les mineurs. Leur public est toujours plus nombreux, toujours plus jeune, pour des contenus toujours plus insoutenables. Au point que les jeunes garçons tiennent pour banales les scènes diffusées par les sites porno. Une moitié d’entre eux, par exemple, estime « normal » d’user de violence dans les relations sexuelles ; presque autant pensent que « les filles aiment ça ». On ne s’étonnera pas de constater la hausse des violences sexuelles, sans parler des féminicides. Il est donc important d’éviter que les jeunes cerveaux soient imprégnés par des images délétères.

La bataille oppose depuis de longues années les pouvoirs publics à l’industrie porno-criminelle. Le combat s’est focalisé sur l’obligation pour les sites pornographiques de mettre en place un contrôle d’âge des utilisateurs. La loi de 2020 prévoit une sanction en cas de manquement à cette obligation. Elle stipule que l’autorité de régulation doit déférer à la justice les sites qui se soustraient à leur devoir. L’industrie soutient que c’est impossible techniquement. Pour cette raison, une nouvelle loi, de 2022, a prévu que l’Arcom fournirait le système à mettre en place. Ce « référentiel » vient d’être rendu public par les Sages le 11 octobre. D’où la réaction positive de la membre de cette Autorité chargée du dossier, Laurence Pécaut-Rivolier : « Nous nous félicitons de la décision de la Cour d’Appel qui nous permet d’avoir une action convergente sur ce sujet important».

La décision répond au recours intenté par les associations de défense de protection de l’enfance. Les tribunaux l’avaient rejeté pour « non-compétence » ; la Cour de Cassation a…cassé, et renvoyé le dossier vers la Cour d’appel. Celle-ci, par un tour de passe-passe juridique, a pu condamner quatre sites (dont xHamster) qui n’ont pas pris part à la procédure et ont pu être considérés comme non-européens. Pour les cinq autres (comme Pornhub), il faudra attendre que la Cour européenne de justice rende sa décision sur une « question préjudicielle » envoyée par le Conseil d’Etat, en vue de préciser qui doit juger de la plainte.

La bataille judiciaire sera longue, mais l’essentiel est acquis. Une juridiction a consacré le droit des mineurs « à être protégés de l’accès illimité, anonyme et gratuit, à des contenus inappropriés à leur âge, susceptibles de mettre en péril leur construction intime, de contribuer à des phénomènes addictifs et de favoriser la diffusion inexacte et dégradée de la sexualité et, plus généralement, des individus ». Tout y est. Reste à étendre la portée géographique de ce jugement. Et à faire appliquer, aussi, la loi concernant les adultes. On attend toujours que soient retirées d’Internet les vidéos pornographiques contenant de la torture. Elles sont légion.

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse